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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

suffrages à ceux qu’ils croiraient dignes du premier et du second prix. Chacun pensant s’être plus distingué que les autres se donna la première voix ; mais, pour le second prix, la plupart l’adjugèrent d’un commun accord à Thémistocles. Les généraux n’eurent par ce moyen qu’un seul suffrage chacun, et Thémistocles eut la très-grande pluralité pour le second prix.

CXXIV. Quoique l’envie eût empêché les Grecs de porter un jugement, et que chacun, en retournant dans sa patrie, eût laissé la chose indécise, Thémistocles n’en fut pas moins célébré, et n’en passa pas moins dans toute la Grèce pour le plus prudent des Grecs. Comme ceux avec qui il avait combattu à Salamine ne lui avaient pas rendu les honneurs qu’il méritait par sa victoire, il se rendit à Lacédémone aussitôt après le départ des alliés pour y recevoir les marques de distinction qui lui étaient dues. Les Lacédémoniens le reçurent magnifiquement et de la manière la plus honorable. Ils donnèrent, il est vrai, à Eurybiades une couronne d’olivier pour prix de la valeur ; mais ils adjugèrent à Thémistocles celui de la prudence et de l’habileté, et le couronnèrent aussi d’olivier. Ils lui firent, outre cela, présent du plus beau char qu’il y eût à Sparte, et, après lui avoir donné de grandes louanges, trois cents Spartiates d’élite, qu’on appelle les chevaliers, l’escortèrent, à son retour, jusqu’aux frontières de Tégée[1]. De tous les hommes que nous connaissions, c’est le seul que les Spartiates aient reconduit.

CXXV. Lorsque Thémistocles fut de retour de Lacédémone à Athènes, Timodème d’Aphidnes, qui n’était guère connu que par la haine qu’il lui portait et la rage jalouse dont il était animé contre lui, lui reprochait son voyage de Sparte, en lui disant que les Lacédémoniens ne lui

  1. L’art de monter à cheval n’entrait point dans l’éducation militaire des Lacédémoniens. Ils se servaient rarement de cavalerie ; et quand ils en avaient, elle était presque toujours inférieure dans les combats à celle des autres Grecs. Dans la première guerre de Messénie, ils en avaient peu, ainsi que les Messéniens, et elle ne fit rien de mémorable, car les Péloponnésiens ne savaient pas encore dresser les chevaux. La cavalerie lacédémonienne ne commença à avoir de la réputation que lorsqu’elle admit les cavaliers étrangers. (L.)