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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

gnant que les Grecs ne songeassent d’eux-mêmes ou par le conseil de quelques Ioniens à faire voile vers l’Hellespont pour rompre les ponts, et que, surpris en Europe, il ne fût en danger d’y périr, il pensa à prendre la fuite. Mais, voulant donner le change aux Grecs et à ses troupes, il essaya de joindre Salamine au continent par une chaussée, fit lier ensemble les vaisseaux de charge phéniciens pour tenir lieu de pont et de muraille, et fit tous les préparatifs nécessaires, comme s’il eût eu dessein de donner une autre bataille navale. En le voyant agir de la sorte, on fut persuadé qu’il voulait rester et qu’il se préparait à continuer la guerre ; mais ses desseins ne purent échapper à la sagacité de Mardonius, qui connaissait parfaitement sa manière de penser.

XCVIII. Pendant ces préparatifs, Xerxès dépêcha un courrier en Perse pour y porter la nouvelle de son malheur actuel. Rien de si prompt parmi les mortels que ces courriers. Voici en quoi consiste cette invention[1]. Autant il y a de journées d’un lieu à un autre, autant, dit-on, il y a de postes avec un homme et des chevaux tout prêts, que ni la neige, ni la pluie, ni la chaleur, ni la nuit, n’empêchent de fournir leur carrière avec toute la célérité possible. Le premier courrier remet ses ordres au second, le second au troisième : les ordres passent ainsi de suite de l’un à l’autre, de même que chez les Grecs le flambeau passe de main en main dans les fêtes de Vulcain. Cette course à cheval s’appelle en langue perse angaréion[2].

    du livre lv de l’Histoire de Dio Cassius, tiré d’un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc à Venise, qui avait appartenu au cardinal Bessarion. M. Morelli, bibliothécaire de cette célèbre bibliothèque, l’a publié à Bassano. (L.)

  1. Nous connaissons aussi une autre invention qui regarde la grandeur de son empire, par le moyen de laquelle il (Cyrus) savait promptement l’état des choses les plus éloignées. Ayant examiné ce qu’un cheval pouvait faire de chemin dans un jour sans s’excéder, il fit construire à cette distance autant d’écuries où l’on mit des chevaux avec des hommes propre à recevoir les lettres et les remettre à d’autres, et à dépêcher des hommes et des chevaux frais en la place de ceux qui étaient fatigués. On dit que quelquefois ces courses ne s’arrêtent pas même la nuit, et que le courrier de la nuit succède à celui du jour. Voilà donc l’origine de la poste qui remonte à Cyrus. (L.)
  2. L’angaréion est positivement ce que les modernes nomment estafette.