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URANIE, LIVRE VIII.

XXXV. Les autres troupes, ayant à leur droite le mont Parnasse, marchèrent avec leurs guides vers le temple de Delphes. Ils ravagèrent tout ce qu’ils rencontrèrent sur leur route de la dépendance de la Phocide, et mirent le feu aux villes des Panopéens, des Dauliens et des Éolides. Ils avaient pris ce chemin après s’être séparés du reste de l’armée, dans le dessein de piller le temple de Delphes et d’en présenter les trésors à Xerxès. Ce prince avait, comme je l’ai appris, une plus grande connaissance de toutes les choses précieuses qui s’y trouvaient que de celles qu’il avait laissées dans ses palais, parce que plusieurs personnes l’entretenaient sans cesse des richesses qu’il contenait, et principalement des offrandes de Crésus, fils d’Alyattes.

XXXVI. Les Delphiens, effrayés de cette nouvelle, consultèrent l’oracle, et lui demandèrent s’il fallait enfouir en terre les trésors sacrés ou les transporter dans un autre pays. Le dieu, voulant les dissuader de faire l’un ou l’autre, leur répondit qu’il était assez puissant pour protéger son propre bien. Sur cette réponse, les Delphiens ne s’occupèrent que d’eux-mêmes. Ils envoyèrent leurs femmes et leurs enfants au delà du golfe de Corinthe, dans l’Achaïe ; quant à eux, la plupart se réfugièrent sur les sommets du Parnasse et dans l’antre de Corycie, où ils transportèrent leurs effets ; d’autres se retirèrent à Amphissa, dans la Locride ; enfin tous les Delphiens abandonnèrent la ville, excepté soixante hommes et le prophète[1].

XXXVII. Lorsque les Barbares furent assez près de Delphes pour en apercevoir le temple, le prophète, nommé Acératus, remarqua que les armes sacrées, auxquelles il n’était point permis de toucher, avaient été transportées hors du lieu saint, et qu’elles étaient devant le temple.

  1. Comme la Pythie rendait ses oracles avec un son de voix confus et inintelligible, on se servait d’un interprète sacré qui les rédigeait, et les remettait aux personnes qui venaient consulter le dieu. Cet interprète s’appelait prophète. Il n’y en avait encore qu’un du temps d’Hérodote. Mais la superstition ayant fait des progrès avec la réputation de l’oracle, il fallut en avoir plusieurs. On les tirait au sort parmi les Delphiens de la première distinction, parce qu’on craignait de confier un ministère si important à d’autres personnes qu’à celles qui étaient intéressées à en garder le secret. (L.)