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POLYMNIE, LIVRE VII.

citoyen, qu’il ait contre lui une haine secrète, et s’il n’a pas fait de grands progrès dans la vertu, chose rare, qu’il ne lui donne pas les conseils qu’il croira les plus salutaires, je n’en serai pas surpris. Mais un hôte est l’homme qui a le plus de bienveillance pour un ami qu’il voit dans la prospérité ; et si celui-ci le consulte, il ne lui donnera que d’excellents conseils. Démarate est mon hôte, et je veux que dans la suite on s’abstienne de mal parler de lui. »

CCXXXVIII. Xerxès, ayant cessé de parler, passa à travers les morts. Ayant appris que Léonidas était roi et général des Lacédémoniens, il lui fit couper la tête et mettre son corps en croix[1]. Ce traitement m’est une preuve convaincante, entre plusieurs autres que je pourrais apporter, que Léonidas était, pendant sa vie, l’homme contre qui Xerxès était le plus animé ; sans cela, il n’aurait pas violé les lois par un tel acte d’inhumanité. Car, de tous les hommes que je connaisse, il n’y en a point qui soient plus dans l’usage d’honorer ceux qui se distinguent par leur valeur que les Perses. Ces ordres furent exécutés par ceux à qui on les avait donnés.

CCXXXIX. Mais revenons à l’endroit de cette histoire que j’ai interrompu. Les Lacédémoniens apprirent les premiers que le roi se disposait à marcher contre la Grèce. Sur cet avis, ils envoyèrent à l’oracle de Delphes, qui leur fit la réponse dont j’ai parlé un peu auparavant. Cette nouvelle leur parvint d’une façon singulière. Démarate, fils d’Ariston, réfugié chez les Mèdes, n’était pas, comme je pense, et suivant toute sorte de vraisemblance, bien intentionné pour les Lacédémoniens. Ce fut lui cependant qui leur donna l’avis de la marche du roi. Mais si ce fut par bienveillance ou pour les insulter, c’est ce que je laisse à

  1. Les ossements de Léonidas furent rapportés des Thermopyles par Pausanias, quarante ans après sa mort. Son tombeau était près de celui de Pausanias, vis-à-vis le théâtre. Tous les ans on faisait les oraisons funèbres de ces grands hommes sur leurs monuments, et l’on y célébrait des jeux où il n’y avait que les Spartiates qui fussent reçus à disputer le prix. On voyait aussi au même endroit une colonne sur laquelle étaient gravés les noms des guerriers qui soutinrent l’effort des Perses aux Thermopyles, et ceux de leurs pères. (L.)