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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

faible pour vous résister. Si vous ne prenez pas ce parti, voici à quoi vous devez vous attendre. À l’entrée du Péloponnèse est un isthme étroit, où tous les Péloponnésiens, assemblés et ligués contre vous, vous livreront de plus rudes combats que ceux que vous avez eus à soutenir. Si vous faites ce que je vous dis, vous vous rendrez maître de cet isthme et de toutes leurs villes. »

CCXXXVI. Achéménès, frère de Xerxès et général de l’armée navale, qui était présent à ce discours, et qui craignait que le roi ne se laissât persuader, prit la parole. « Seigneur, dit-il, je vois que vous recevez favorablement les conseils d’un homme jaloux de votre prospérité, ou même qui trahit vos intérêts. Car tel est le caractère ordinaire des Grecs : ils portent envie au bonheur des autres, et détestent ceux qui valent mieux qu’eux. Si, dans la position où nous nous trouvons, après avoir perdu quatre cents vaisseaux par un naufrage, vous en envoyez trois cents autres croiser sur les côtes du Péloponnèse, les ennemis seront aussi forts que nous. Si notre flotte ne se sépare point, elle sera invincible, et les Grecs seront hors d’état de lui résister. Les deux armées marchant ensemble, celle de mer portera du secours à celle de terre, et celle-ci en donnera à la flotte. Si vous les séparez, elles seront inutiles l’une à l’autre. Content de bien régler vos affaires, ne vous inquiétez pas de celles de vos ennemis, n’examinez point de quel côté ils porteront la guerre, quelles mesures ils prendront, et quelles sont leurs forces. Ce soin les regarde personnellement. Ne songeons de même qu’à nos intérêts. Si les Lacédémoniens livrent bataille aux Perses, ils ne répareront pas pour cela la perte qu’ils viennent d’essuyer. »

CCXXXVII. « Achéménès, reprit Xerxès, votre conseil me paraît juste, et je le suivrai. Mais Démarate propose ce qu’il croit m’être le plus avantageux ; et quoique votre avis l’emporte sur le sien, je ne me persuaderai pas que ce prince soit malintentionné. Ses discours précédents, que l’événement a justifiés, me sont garants de sa droiture. Qu’un homme soit jaloux du bonheur de son con-