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POLYMNIE, LIVRE VII.

Athéniens, la réponse de la Pythie ne serait pas, ce me semble, si douce. Infortunée Salamine ! aurait-elle dit, au lieu de ces mots, ô divine Salamine ! si les habitants eussent dû périr aux environs de cette île. Mais, pour quiconque prenait l’oracle dans son vrai sens, le dieu avait plutôt en vue les ennemis que les Athéniens. Là-dessus il leur conseillait de se préparer à un combat naval, parce que les vaisseaux étaient le mur de bois. Les Athéniens décidèrent que l’avis de Thémistocles était préférable à celui des interprètes des oracles, qui dissuadaient le combat naval, et même en général de lever les mains contre l’ennemi, et conseillaient d’abandonner l’Attique et de faire ailleurs un nouvel établissement.

CXLIV. Antérieurement à cet avis, Thémistocles en avait ouvert un autre qui se trouva excellent dans la conjoncture actuelle. Il y avait dans le trésor public de grandes richesses provenant des mines de Laurium. On était sur le point de les distribuer à tous les citoyens qui avaient atteint l’âge de puberté, et chacun d’eux aurait reçu pour sa part dix drachmes[1]. Thémistocles persuada aux Athéniens de ne point faire cette distribution, et de construire avec cet argent deux cents vaisseaux pour la guerre, entendant par ces mots la guerre qu’on avait à soutenir contre les Éginètes. Cette guerre fut alors le salut de la Grèce, parce qu’elle força les Athéniens à devenir marins. Ces vaisseaux ne servirent pas à l’usage auquel on les avait destinés, mais on les employa fort à propos pour les besoins de la Grèce. Ils se trouvèrent faits d’avance, et il ne fallut plus qu’y en ajouter quelques autres. Ainsi, dans un conseil tenu après qu’on eut consulté l’oracle, il fut résolu que, pour obéir au dieu, toute la nation, de concert avec ceux d’entre les Grecs qui voudraient se joindre à elle, attaquerait par mer les Barbares qui venaient fondre sur la Grèce. Tels furent les oracles rendus aux Athéniens.

CXLV. Les Grecs les mieux intentionnés pour la patrie s’assemblèrent en un même lieu, et, après s’être entre-donné la foi et avoir délibéré entre eux, il fut convenu

  1. 9 livres de notre monnaie.

ii.12