Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

LVIII. Xerxès, sans aucun égard pour ces deux prodiges, alla en avant avec son armée de terre, tandis que sa flotte sortait de l’Hellespont et côtoyait le rivage, tenant une route opposée à celle de l’armée de terre ; car la flotte allait vers le couchant pour se rendre au promontoire Sarpédon, où elle avait ordre de séjourner. L’armée de terre, au contraire, marchant vers l’aurore et le lever du soleil par la Chersonèse, traversa la ville d’Agora par le milieu, ayant à droite le tombeau d’Hellé, fille d’Athamas, et à gauche la ville de Cardia. De là, tournant le golfe Mélas, elle traversa un fleuve du même nom, dont les eaux furent épuisées et ne purent alors lui suffire. Après avoir passé ce fleuve, qui donne son nom au golfe, l’armée alla vers l’occident, passa le long d’Ænos, ville éolienne, et du lac Stentoris, d’où elle arriva enfin à Dorisque.

LIX. Le Dorisque est un rivage et une grande plaine de la Thrace. Cette plaine est arrosée par l’Hèbre, fleuve considérable, et l’on y a bâti un château royal appelé Dorisque, où les Perses entretiennent une garnison depuis le temps que Darius y en mit une lorsqu’il marcha contre les Scythes. Ce lieu paraissant à Xerxès commode pour ranger ses troupes et pour en faire le dénombrement, il donna ses ordres en conséquence. Les vaisseaux étant tous arrivés à la côte de Dorisque, leurs capitaines les rangèrent, par l’ordre de ce prince, sur le rivage qui touche à ce château où sont Sala, ville des Samothraces, et Zona, et à l’extrémité un célèbre promontoire appelé Serrhium. Ce pays appartenait autrefois aux Ciconiens. Lorsqu’ils eurent tiré à terre leurs vaisseaux, ils se reposèrent, et pendant ce temps-là Xerxès fit, dans la plaine de Dorisque, le dénombrement de son armée.

LX. Je ne puis assurer ce que chaque nation fournit de troupes : personne ne le dit. Mais l’armée de terre montait en total à dix-sept cent mille hommes. Voici comment se fit ce dénombrement. On assembla un corps de dix mille hommes dans un même espace, et, les ayant fait serrer autant qu’on le put, l’on traça un cercle à l’entour. On fit ensuite sortir ce corps de troupes, et l’on environna ce cercle d’un mur à hauteur du nombril. Cet ouvrage