Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
CLIO, LIVRE I.

de Molosses, d’Arcadiens Pélasges, de Doriens Épidauriens, et de plusieurs autres nations. Ceux d’entre ces peuples qui sortirent autrefois du Prytanée[1] des Athéniens s’estiment les plus nobles et les plus illustres des Ioniens. Lorsqu’ils allèrent fonder cette colonie, ils ne menèrent point de femmes avec eux ; mais ils épousèrent des Cariennes, dont ils avaient tué les pères. Ces femmes, furieuses du massacre de leurs pères, de leurs maris et de leurs enfants, et de ce qu’après une telle action ils les avaient épousées, s’imposèrent la loi de ne jamais prendre leurs repas avec leurs maris, et de ne jamais leur donner ce nom : loi qu’elles firent serment d’observer, et qu’elles transmirent à leurs filles. Ce fut à Milet que cela se passa.

CXLVII. Ces Ioniens élurent pour rois, les uns des Lyciens issus de Glaucus, fils d’Hippolochus ; les autres, des Caucons Pyliens, qui descendaient de Codrus, fils de Mélanthus ; d’autres enfin en prirent de l’une et de l’autre de ces deux maisons. Mais on me dira sans doute que ces Ioniens sont plus attachés à ce nom d’Ionien que le reste de la nation. Qu’ils soient aussi les purs, les véritables Ioniens, j’y consens ; cependant tous ceux qui sont originaires d’Athènes, et qui célèbrent la fête des Apaturies[2],

  1. Le Prytanée servait à Athènes à plusieurs usages. Le sénat des Cinq-Cents s’y assemblait. Près de la salle où il tenait ses séances, on voyait le Tholus, où prenaient leurs repas ceux qui avaient rendu des services importants à l’État, et où les prytanes offraient des sacrifices. On y entretenait aussi le feu sacré, et l’on y conservait du blé et des armes. Quand on envoyait une colonie quelque part, on tirait du Prytanée des armes, des vivres et du feu. Car la colonie ne pouvait s’en pourvoir ailleurs ; et si par hasard le feu venait à s’éteindre, il fallait en renvoyer chercher de nouveau au Prytanée de la métropole. (L.)
  2. L’institution de cette fête à Athènes doit avoir précédé l’envoi de la colonie ionienne, puisque tous les Ioniens originaires d’Athènes la célébraient. Voici l’origine de cette fête. Les Athéniens et les Béotiens, étant en guerre pour le pays d’Œnné et de Mélænes, il fut convenu qu’il y aurait un combat particulier entre les deux rois, et que le pays contesté appartiendrait au victorieux. Thymœtès, dernier d’Athènes de la race de Thésée, refusa le combat. Mélanthus, que les Héraclides venaient de chasser de la Messénie, et qui cherchait un asile à Athènes, accepta le défi. Il tua par ruse Xanthus, roi de Béotie. Ce prince s’étant présenté sur le champ de bataille, Mélanthus lui dit qu’il n’aurait pas dû amener avec lui un second ; que cela était contre les conditions du combat. Xanthus, surpris de ce propos, regarda derrière