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CLIO, LIVRE I.

CXXXVIII. Il ne leur est pas permis de parler des choses qu’il n’est pas permis de faire. Ils ne trouvent rien de si honteux que de mentir, et, après le mensonge, que de contracter des dettes ; et cela pour plusieurs raisons, mais surtout parce que, disent-ils, celui qui a des dettes ment nécessairement. Un citoyen infecté de la lèpre proprement dite, ou de l’espèce de lèpre appelée leucé, ne peut entrer dans la ville, ni avoir aucune communication avec le reste des Perses ; c’est, selon eux, une preuve qu’il a péché contre le Soleil. Tout étranger attaqué de ces maladies est chassé du pays ; et, par la même raison, ils n’y veulent point souffrir de pigeons blancs. Ils n’urinent ni ne crachent dans les rivières ; ils ne s’y lavent pas même les mains, et ne permettent pas que personne y fasse rien de semblable ; car ils rendent un culte aux fleuves[1].

CXXXIX. Ils ont aussi quelque chose de singulier qu’ils ne connaissent pas eux-mêmes, mais qui ne nous a point échappé. Leurs noms, qui sont empruntés ou des qualités du corps ou de la dignité des personnes, se terminent par cette même lettre que les Doriens appellent san, et les Ioniens sigma ; et, si vous y faites attention, vous trouverez que les noms des Perses finissent tous de la même manière, sans en excepter un seul.

CXL. Ces usages m’étant connus, je puis en parler d’une manière affirmative ; mais ceux qui se pratiquent relativement aux morts étant cachés, on n’en peut rien dire de certain. Ils prétendent qu’on n’enterre point le corps d’un Perse qu’il n’ait été auparavant déchiré par un oiseau ou par un chien. Quant aux mages, j’ai la certitude qu’ils observent cette coutume, car ils la pratiquent à la vue de tout le monde. Une autre chose que je puis assurer, c’est que les Perses enduisent de cire les corps morts, et qu’ensuite ils les mettent en terre.

  1. Le culte qu’on rendait aux fleuves était très-ancien. On en trouve des exemples dans Homère, qui parle des chevaux qu’on jetait dans le Scamandre pour honorer le dieu de ce fleuve. Chrysippe rapporte, au cinquième livre de la Nature, qu’Hésiode défendait d’uriner dans les rivières et les fontaines. La défense d’Hésiode se trouve dans les Ouvrages et les Jours, vers 755. (L.)