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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

qu’il parut devant lui, il lui parla en ces termes : « Harpage, de quel genre de mort as-tu fait périr l’enfant de ma fille, que je t’ai remis ? » Harpage, apercevant Mitradates dans l’appartement du roi, avoua tout sans détour, de crainte d’être convaincu par des preuves sans répliques. « Seigneur, dit-il, quand j’eus reçu l’enfant, j’examinai comment je pourrais, en me conformant à vos volontés, et sans m’écarter de ce que je vous dois, n’être coupable d’un meurtre ni à l’égard de la princesse votre fille, ni même au vôtre. Je mandai en conséquence Mitradates : je lui remis l’enfant entre les mains, et lui dis que c’était vous-même qui ordonniez sa mort. Je ne me suis point écarté en cela de la vérité, puisque vous m’aviez commandé de le faire mourir. En lui livrant cet enfant, je lui enjoignis de l’exposer sur une montagne déserte, et de rester auprès de lui jusqu’à ce qu’il fût mort. Enfin, je le menaçai des plus rigoureux tourments s’il n’accomplissait tout de point en point. Ces ordres exécutés, et l’enfant étant mort, j’envoyai là les plus fidèles de mes eunuques ; je vis par leurs yeux, et je l’enterrai. Les choses, seigneur, se sont passées de cette manière, et tel est le sort qu’a éprouvé cet enfant. »

CXVIII. Harpage parla sans détour ; mais Astyages, dissimulant son ressentiment, lui répéta d’abord toute l’histoire comme il l’avait apprise de Mitradates ; et, après qu’il l’eut répétée, il ajouta que l’enfant vivait, et qu’il en était content. « Car enfin, dit-il, la manière dont on l’avait traité me faisait beaucoup de peine, et j’étais très-sensible aux reproches de ma fille. Mais, puisque la fortune nous a été favorable, envoyez-moi votre fils pour tenir compagnie au jeune prince nouvellement arrivé, et ne manquez pas de venir souper avec moi ; je veux offrir, pour le recouvrement de mon petit-fils, des sacrifices aux dieux, à qui cet honneur est réservé. »

CXIX. Harpage s’étant, à ces paroles, prosterné devant le roi, s’en retourna chez lui, également flatté de l’heureuse issue de sa faute, et de ce que le roi l’avait invité au festin qu’il donnait en réjouissance des bienfaits de la for-