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CLIO, LIVRE I.

ordre, élevèrent cette ville forte et immense connue aujourd’hui sous le nom d’Agbatanes, dont les murs concentriques sont renfermés l’un dans l’autre et construits de manière que chaque enceinte ne surpasse l’enceinte voisine que de la hauteur des créneaux. L’assiette du lieu, qui s’élève en colline, en facilita les moyens. On fit encore quelque chose de plus : il y avait en tout sept enceintes, et dans la dernière le palais[1] et le trésor du roi. Le circuit de la plus grande égale à peu près celui d’Athènes. Les créneaux de la première enceinte sont peints en blanc ; ceux de la seconde, en noir ; ceux de la troisième, en pourpre ; ceux de la quatrième, en bleu ; ceux de la cinquième sont d’un rouge orangé. C’est ainsi que les créneaux de toutes les enceintes sont ornés de différentes couleurs. Quant aux deux dernières, les créneaux de l’une sont argentés, et ceux de l’autre dorés.

XCIX. Tels furent et le palais que se fit construire Dèjocès et les maisons dont il l’environna. Le reste du peuple eut ordre de se loger autour de la muraille. Tous ces édifices achevés, il fut le premier qui établit pour règle que personne n’entrerait chez le roi, que toutes les affaires s’expédieraient par l’entremise de certains officiers qui lui en feraient leur rapport, que personne ne regarderait le roi ; il ordonna outre cela qu’on ne rirait ni ne cracherait en sa présence[2], et qu’il serait honteux à tout le monde de faire ces choses en présence les uns des autres.

Déjocès institua ce cérémonial imposant, afin que les personnes du même âge que lui, et avec qui il avait été

  1. Ce palais était au-dessous de la citadelle, et avait sept stades de tour. La charpente en était de cèdre ou de cyprès. Les poutres, les plafonds, les colonnes des portiques et les péristyles étaient revêtus de lames d’or et d’argent, et les toits couverts de tuiles d’argent. Le tout fut pillé vers l’arrivée d’Alexandre. (Polybe, lib. x.)
  2. « Aux Indes il n’est pas permis de cracher dans le palais du roi. Les Arabes croient que quand on crache, c’est par mépris. Ils ne le font jamais devant leurs supérieurs ; ils ne se mouchent point, non plus que les Turcs, et leurs mouchoirs ne servent qu’à essuyer les mains ou le visage. » Les Arabes ont dérogé à cet usage depuis qu’ils ont pris l’habitude de fumer du tabac. Niebuhr a souvent vu que le maître de la maison avait près de lui un petit crachoir de porcelaine.