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CLIO, LIVRE I.

aux Lydiens la prérogative de consulter les premiers l’oracle, l’immunité, la préséance, et le privilége perpétuel de devenir citoyens de Delphes quand ils le désireraient.

LV. Crésus, ayant envoyé ces présents aux Delphiens, interrogea le dieu pour la troisième fois ; car, depuis qu’il en eut reconnu la véracité, il ne cessa plus d’y avoir recours. Il lui demanda donc si sa monarchie serait de longue durée. La Pythie lui répondit en ces termes : « Quand un mulet sera roi des Mèdes, fuis alors, Lydien efféminé, sur les bords de l’Hermus : garde-toi de résister, et ne rougis point de ta lâcheté. »

LVI. Cette réponse fit encore plus de plaisir à Crésus que toutes les autres. Persuadé qu’on ne verrait jamais sur le trône des Mèdes un mulet, il conclut que ni lui ni ses descendants ne seraient jamais privés de la puissance souveraine. Ce prince, ayant recherché avec soin quels étaient les peuples les plus puissants de la Grèce, dans le dessein de s’en faire des amis, il trouva que les Lacédémoniens et les Athéniens tenaient le premier rang, les uns parmi les Doriens, les autres parmi les Ioniens. Ces nations autrefois étaient en effet les plus distinguées, l’une étant pélasgique et l’autre hellénique. La première n’est jamais sortie de son pays, et l’autre a souvent changé de demeure. Les Hellènes habitaient en effet la Phthiotide sous le règne de Deucalion ; et sous celui de Dorus, fils d’Hellen, le pays appelé Histiæotide, au pied des monts Ossa et Olympe. Chassés de l’Histiæotide par les Cadméens, ils allèrent s’établir à Pinde[1], et furent appelés Macednes. De là ils passèrent dans la Dryopide, et de la Dryopide dans le Péloponnèse, où ils ont été appelés Doriens.

LVII. Quelle langue parlaient alors les Pélasges, c’est un article sur lequel je ne puis rien affirmer. S’il est permis de fonder des conjectures sur quelques restes de ces Pélasges, qui existent encore aujourd’hui à Crestone[2], au-dessus

  1. Il s’agit ici non du Pinde, montagne célèbre, mais de la ville de Pinde. Cette ville était une des quatre de la Doride. (L.)
  2. Les Pélasges tyrrhéniens occupaient les bords de la mer de Thrace. La ville de Crestone devait être située un peu plus avant dans les terres. Le comte de Caylus a confondu cette ville avec celle de Crotone, dans la grande Grèce. (L.)