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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

tons point que vous n’eussiez ouvert un meilleur avis.

» La forme du gouvernement de Corinthe était oligarchique, et l’autorité était concentrée dans la maison des Bacchiades[1], qui ne se mariaient que dans leur famille. Amphion, l’un d’entre eux, eut une fille boiteuse, nommée Labda[2]. Aucun des Bacchiades n’ayant voulu l’épouser, on la maria à Éétion, fils d’Échécratès, du bourg de Pétra, mais Lapithe d’origine, et descendant de Cænée[3]. Comme il n’avait point d’enfant de cette femme, ni d’aucune autre, il alla consulter le dieu de Delphes pour savoir s’il en aurait. À peine fut-il entré dans le temple, que la Pythie lui adressa ces paroles :

« Éétion, tu n’es honoré de personne, quoique tu mérites beaucoup de l’être. Labda porte dans son sein une grosse pierre qui écrasera des despotes, et gouvernera Corinthe. »

» Cette réponse du dieu fut par hasard rapportée aux Bacchiades. Ils avaient reçu auparavant, au sujet de Corinthe, un oracle qui leur avait paru obscur, et qui

  1. Le premier de cette branche qui régna sur Corinthe s’appelait Bacchis, fils de Prumnis. Il succéda aux Alétiades, qui avaient occupé le trône de Corinthe pendant cinq générations. Les Bacchiades, qui tiraient leur nom de ce Bacchis, régnèrent dans cette ville le même espace de tempes. Le dernier fut Télestès, fils d’Aristomèdes. Il fut tué par Ariée et Pérantas, qui le haïssaient. La royauté finit en lui. On choisit ensuite parmi les Bacchiades des prytanes ou magistrats annuels, qui gouvernèrent l’État jusqu’à ce que Cypsélus, fils d’Ééton, s’emparât de la tyrannie, et les chassât. (L.)
  2. Ce n’étaient pas son vrai nom, mais une espèce de surnom ou de sobriquet que lui avait donné le dieu de Delphes parce qu’elle était boiteuse, ayant les jambes et les pieds tournés à peu près comme un lambda, qui est une lettre de l’alphabet grec. Remarquez qu’anciennement on appelait labda la lettre qui fut dans la suite nommée lambda. C’était assez la coutume, chez les anciens, de donner pour sobriquets des noms tirés de l’alphabet. On dit qu’Ésope fut surnommé Thêta par Iadmon son maître, parce qu’il était d’un esprit fin et rusé, et que les esclaves s’appelaient Θήτες ; que Galérius Crassus, tribun militaire sous l’empereur Tibère, était surnommé Bêta, parce qu’il aimait la bette ou poirée. (L.)
  3. Ce Lapithe Cænée vivait du temps d’Hercule ; il était roi des Lapithes, brave et invulnérable. Dans un combat qui se donna entre les Centaures et les Lapithes, la terre s’étant entr’ouverte sous ses pieds, il y fut englouti. Les poëtes imaginèrent que les Centaures ayant fondu sur lui en grand nombre, et ne pouvant ni le percer ni l’assommer, l’avaient enfoncé en terre à coups de massue. (Voyez Apollonius de Rhodes, liv. i.)