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TERPSICHORE, LIVRE V.

reconnaissons notre faute : entraînés par des oracles trompeurs, nous avons chassé de leur patrie de vrais amis qui s’étaient engagés à tenir Athènes sous nos lois : nous avons ensuite remis l’autorité entre les mains d’un peuple ingrat, qui, se voyant libre par nous, ose actuellement lever la tête, et a eu l’insolence de nous chasser de chez lui, nous et notre roi. Enflé d’une vaine gloire, ses forces vont toujours en augmentant : les Béotiens et les Chalcidiens leurs voisins le savent, et l’ont appris à leurs dépens ; d’autres le sauront bientôt, pour peu qu’ils choquent ce peuple orgueilleux. Mais puisque nous avons commis une faute, réparons-la, en tâchant de nous venger avec votre secours. C’est dans ce dessein que nous avons invité Hippias à venir à Sparte, et que nous vous avons priés de vous y rendre, afin que, réunissant nos forces et agissant de concert, nous le ramenions à Athènes, et que nous lui rendions ce que nous lui avons ravi. »

XCII. Ce discours ne fut point approuvé du plus grand nombre des alliés. Ils gardaient tous le silence, lorsque Sosiclès de Corinthe parla en ces termes : « Lacédémoniens, nous devons certes nous attendre maintenant à voir le ciel prendre la place de la terre, et la terre celle du ciel, les hommes vivre dans la mer, et les poissons sur la terre, puisque vous cherchez à détruire l’isocratie[1] dans les villes, et que vous vous disposez à établir en sa place la tyrannie, gouvernement le plus injuste et le plus sanguinaire qu’il y ait au monde. S’il vous paraît avantageux de soumettre les États de la Grèce à des tyrans, commencez par en prendre un pour vous-mêmes, et cherchez ensuite à en donner aux autres. Vous n’avez jamais éprouvé le gouvernement tyrannique, et vous veillez avec le plus grand soin pour qu’il ne s’introduise point à Sparte. Cependant, par un abus étrange, vous entreprenez de l’établir aujourd’hui chez vos alliés. Mais si vous en aviez fait le même essai que nous, nous ne dou-

  1. Ce mot signifie égalité dans les parties constituantes de l’État. Il est opposé au gouvernement monarchique, et encore plus au tyrannique, qui ne reconnaît point de lois. (L.)

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