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TERPSICHORE, LIVRE V.

avec les agrafes de leurs robes, en lui demandant chacune des nouvelles de son mari, et le font mourir de la sorte. L’atrocité de cette action parut aux Athéniens encore plus déplorable que leur défaite même ; et, ne sachant quelle autre punition leur infliger, ils les obligèrent à prendre les habits des Ioniennes. Elles portaient auparavant l’habillement dorien, qui approche beaucoup de celui des femmes de Corinthe. On changea donc leurs habits en tunique de lin[1], afin de rendre inutiles les agrafes. Mais, puisqu’il faut dire la vérité, cet habillement n’est pas, dans son origine, ionien, mais carien, l’habit de toutes les femmes grecques étant anciennement le même que celui que portent actuellement les Doriennes.

LXXXVIII. On prétend que les Argiens et les Éginètes ordonnèrent, en conséquence de cette action, que leurs femmes porteraient des agrafes une fois et demie plus grandes qu’à l’ordinaire ; que la principale offrande des femmes à ces déesses[2] se ferait en agrafes ; que dans la suite on n’offrirait à leur temple aucune chose qui vînt de l’Attique, pas même un vase de terre, et qu’on ne pourrait y boire que dans des coupes du pays. Cette contrariété a été poussée si loin, que, de mon temps, les femmes des Argiens et des Éginètes portaient encore des agrafes plus grandes qu’autrefois.

LXXXIX. Telle fut, comme je l’ai dit, l’origine de l’inimitié des Athéniens contre les Éginètes. Ces derniers, se ressouvenant encore de ce qui s’était passé au sujet de ces statues, se rendirent avec empressement à l’invitation des Thébains, et donnèrent du secours aux Béotiens. Les Éginètes ravagèrent les côtes de l’Attique ; mais, tandis que les Athéniens se disposaient à marcher contre eux, il leur vint de Delphes un oracle qui leur ordonnait de suspendre le châtiment des Éginètes pendant trente ans, à compter de leurs premières insultes ; et que si, après avoir élevé

  1. Ces tuniques avaient des manches. Les robes des Doriennes n’en avaient point ; elle se les mettaient sur les épaules, et les attachaient par-devant avec des agrafes. Aussi, Vénus ayant été blessée à la main par Diomède, Minerve la badine à ce sujet, et attribue sa blessure à l’agrafe de quelque Grecque que cette déesse avait voulu engager à suivre un Troyen. (L.)
  2. Damia et Auxésia.