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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

auraient aisément repoussés, quand ils n’en auraient point eu du tout eux-mêmes ; mais qu’ils vinrent, non sur un seul vaisseau, mais avec une flotte considérable ; qu’ils prirent alors le parti de céder, et de ne point engager un combat naval. Ils ne peuvent cependant assurer s’ils cédèrent parce qu’ils se sentaient trop faibles pour combattre sur mer, ou si ce fut dans la vue d’exécuter le projet qu’ils méditaient[1]. Ils ajoutent que les Athéniens, ne voyant personne se présenter pour leur livrer bataille, descendirent de leurs vaisseaux, et se portèrent vers les statues ; que, n’ayant pu les arracher de dessus leurs bases, ils leur passèrent des cordes, et les tirèrent jusqu’à ce que ces statues se fussent mises toutes deux à genoux, posture qu’elles ont conservée depuis ce temps-là. Ce trait ne me paraît point vraisemblable ; il le sera peut-être pour quelque autre. Telle fut, selon les Éginètes, la conduite des Athéniens. Quant à ce qui les regarde eux-mêmes, ils disent qu’ayant appris que les Athéniens devaient venir les attaquer, ils avertirent les Argiens de se tenir prêts ; que ceux-là ayant fait une descente en Égine, les Argiens les secoururent sur-le-champ, passèrent d’Épidaure dans l’île à l’insu des Athéniens, et tombèrent sur eux à l’improviste après leur avoir coupé le chemin de leurs vaisseaux. Ils ajoutent que dans le même temps il survint un coup de tonnerre avec un tremblement de terre.

LXXXVII. Ce témoignage des Éginètes est confirmé par celui des Argiens. Les Athéniens conviennent aussi qu’il n’y eut qu’un seul d’entre eux qui se fût sauvé dans l’Attique. Mais les Argiens prétendent qu’ils battirent les Athéniens, et qu’il n’y eut que cet homme qui survécût à la défaite de leurs troupes ; au lieu que, suivant les Athéniens, cet homme échappa lui seul à la vengeance des dieux ; et même encore ne put-il s’y soustraire, puisqu’il périt de la manière que je vais le dire. De retour à Athènes, il raconta le malheur qui était arrivé : là-dessus les femmes de ceux qui avaient été de cette expédition, outrées de ce qu’il s’était sauvé lui seul, s’attroupent autour de lui, le piquent

  1. Ce projet est celui d’appeler les Argiens à leur secours, dont il est parlé un peu plus bas.