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TERPSICHORE, LIVRE V.

vin, portèrent la main sur le sein de ces femmes, et tentèrent même de leur donner des baisers.

XIX. Amyntas, quoique affligé du spectacle qu’il avait sous les yeux, se tenait cependant tranquille, tant était grande la frayeur que lui inspiraient les Perses. Mais Alexandre son fils, qui était jeune, et qui n’avait pas encore éprouvé les maux, se trouvant à ce repas, ne put se contenir plus longtemps à la vue de ces indignités. Ayant peine à les supporter, il dit à Amyntas : « Cédez, mon père, à votre âge ; retirez-vous, et allez vous reposer sans assister plus longtemps à cette débauche. Je resterai, et j’aurai soin que rien ne manque à nos hôtes. » Amyntas comprit qu’Alexandre roulait dans sa tête quelque funeste projet. « Je crois, mon fils, lui dit-il, m’apercevoir à votre discours que vous êtes échauffé, et que vous voulez me renvoyer pour exécuter quelque dessein que vous méditez ; mais je vous conjure de ne rien entreprendre contre ces hommes-ci, de crainte que vous ne soyez cause de notre perte : voyez plutôt leurs actions sans vous émouvoir. Quant à moi, je cède à vos instances et je me retire. »

XX. Amyntas étant sorti en finissant cette prière, Alexandre adressa la parole aux Perses : « Amis, si vous souhaitez les faveurs de toutes ces femmes, ou seulement de quelques-unes d’entre elles, vous n’avez qu’à me le déclarer, vous aurez toutes les facilités qui dépendront de moi. L’heure de se retirer s’approche, et je vois que le vin vous a inspiré de la gaîté. Permettez, s’il vous plaît, qu’elles aillent prendre le bain ; elles reviendront ensuite vous trouver. »

Ce discours fut approuvé des Perses. Les femmes sortirent, et Alexandre les renvoya dans leur appartement. Il fit ensuite habiller en femme un pareil nombre de jeunes hommes sans barbe, les arma d’un poignard, et étant rentré dans la salle avec eux : « Perses, dit-il, nous croyons vous avoir donné un repas très-splendide, et nous vous avons fait servir ce que nous avions de mieux, et tout ce qu’il a été possible de se procurer. Mais ce qui l’emporte sur tout, nous vous abandonnons avec gé-