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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

l’habit des Lybiennes est de peau, et que les franges de leurs égides ne sont pas des serpents, mais des bandes minces de cuir : le reste de l’habillement est le même. Le nom de ce vêtement prouve que l’habit des statues de Minerve vient de Libye. Les femmes de ce pays portent en effet, par-dessus leurs habits, des peaux de chèvres sans poil, garnies de franges et teintes en rouge. Les Grecs ont pris leurs égides de ces vêtements de peaux de chèvres. Je crois aussi que les cris perçants qu’on entend dans les temples de cette déesse tirent leur origine de ce pays. C’est en effet un usage constant parmi les Libyennes, et elles s’en acquittent avec grâce. C’est aussi des Libyens que les Grecs ont appris à atteler quatre chevaux à leurs chars.

CXC. Les Libyens nomades enterrent leurs morts comme les Grecs : j’en excepte les Nasamons, qui les enterrent assis, ayant soin, quand quelqu’un rend le dernier soupir, de le tenir dans cette attitude, et prenant garde qu’il n’expire couché sur le dos. Leurs logements sont portatifs, et faits d’asphodèles[1] entrelacés avec des joncs. Tels sont les usages de ces nations.

CXCI. À l’ouest du fleuve Triton, les Libyens laboureurs touchent aux Auséens ; ils ont des maisons, et se nomment Maxyes. Ils laissent croître leurs cheveux sur le côté droit de la tête, rasent le côté gauche, et se peignent le corps avec du vermillon : ils se disent descendus des Troyens. Le pays qu’ils habitent, ainsi que le reste de la Libye occidentale, est beaucoup plus rempli de bêtes sauvages, et couvert de bois, que celui des nomades ; car la partie de la Libye orientale qu’habitent les nomades est basse et sablonneuse jusqu’au fleuve Triton. Mais depuis ce fleuve, en allant vers le couchant, le pays occupé par les laboureurs est très-montagneux, couvert de bois et plein de bêtes sauvages. C’est dans cette partie occidentale

  1. L’asphodèle est une plante de la famille des liliacées, et qui est en abondance sur les bords de la Méditerranée. Les tiges de l’espèce connue sous le nom d’asphodèle rameux sont assez élevées pour construire des habitations légères, ou du moins pour les couvrir. L’asphodèle était consacrée aux cérémonies funèbres, et les anciens supposaient que les morts s’en nourrissaient. Les prés où apparaissent les ombres des héros, dans le onzième livre de l’Odyssée, sont des prés d’asphodèle. (Miot.)