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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

lui offre de grands sacrifices pour se le rendre propice. Si celui qui a cet or en garde s’endort le jour de la fête, en plein air, il meurt dans l’année, suivant les Scythes ; et c’est pour le récompenser et le dédommager du risque qu’il court qu’on lui donne toutes les terres dont il peut, dans une journée, faire le tour à cheval. Le pays des Scythes étant très-étendu, Colaxaïs le partagea en trois royaumes, qu’il donna à ses trois fils. Celui des trois royaumes où l’on gardait l’or tombé du ciel était le plus grand. Quant aux régions situées au nord et au-dessus des derniers habitants de ce pays, les Scythes disent que la vue ne peut percer plus avant, et qu’on ne peut y entrer, à cause des plumes qui y tombent de tous côtés. L’air en est rempli, et la terre couverte[1] ; et c’est ce qui empêche la vue de pénétrer plus avant.

VIII. Voilà ce que les Scythes disent d’eux-mêmes, et du pays situé au-dessus du leur. Mais les Grecs, qui habitent les bords du Pont-Euxin, racontent qu’Hercule, emmenant les troupeaux de bœufs de Géryon, arriva dans le pays occupé maintenant par les Scythes, et qui était alors désert ; que Géryon demeurait par delà le Pont, dans une île que les Grecs appellent Érythie, située près de Gadès, dans l’Océan, au delà des colonnes d’Hercule. Ils prétendent aussi que l’Océan commence à l’est, et environne toute la terre de ses eaux ; mais ils se contentent de l’affirmer sans en apporter de preuves.

Ils ajoutent qu’Hercule, étant parti de ce pays, arriva dans celui qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de Scythie ; qu’y ayant été surpris d’un orage violent et d’un grand froid, il étendit sa peau de lion, s’en enveloppa, et s’endormit ; et que ses juments, qu’il avait détachées de son char pour paître, disparurent pendant son sommeil, par une permission divine.

IX. Hercule les chercha à son réveil, parcourut tout le pays, et arriva dans le canton appelé Hylée. Là il trouva, dans un antre, un monstre composé de deux

  1. Ces plumes ne sont rien autre chose que des flocons de neige, qui tombent en grande abondance dans ces pays, comme on le verra ci-dessous, § xxxi. (L.)