Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

qui s’ouvrit et fit de grands progrès. Tant que le mal fut peu considérable, cette princesse le cacha par pudeur, et n’en dit mot à personne. Mais quand elle vit qu’il devenait dangereux, elle manda Démocèdes et le lui fit voir. Il lui promit de la guérir ; mais il exigea d’elle, avec serment, qu’elle l’obligerait à son tour dans une chose dont il la prierait, l’assurant, au reste, qu’il ne lui demanderait rien dont elle eût à rougir.

CXXXIV. Atosse, guérie par les remèdes de Démocèdes, résolut de lui tenir parole. Étant au lit avec Darius, elle lui parla ainsi, selon les instructions de Démocèdes : « Je m’étonne, seigneur, qu’ayant tant de troupes à votre disposition, vous demeuriez tranquillement dans votre palais, sans songer à conquérir de nouveaux pays et à étendre les bornes de votre empire. Cependant il convient à un monarque jeune, et qui possède de grandes richesses, de se signaler par des actions qui fassent connaître à ses sujets qu’ils ont un homme de cœur à leur tête. Il vous importe, par deux raisons, de suivre mon conseil : la première, pour montrer aux Perses qu’ils ont un roi plein de courage et de valeur ; la seconde, afin qu’accablés de travaux, l’oisiveté ne les porte point à se soulever contre vous. Faites donc quelques grands exploits, tandis que vous êtes dans la fleur de l’âge. L’âme croît avec le corps ; mais, à mesure que le corps vieillit, l’âme vieillit aussi, et devient inhabile à tout. » Ainsi parla Atosse, suivant les instructions de Démocèdes.

« Vos discours, lui répondit Darius, s’accordent avec mes desseins. J’ai résolu de marcher contre les Scythes, et de construire à cet effet un pont pour passer de notre continent dans l’autre. Il ne faut que peu de temps pour en venir à bout. »

« Seigneur, reprit Atosse, ne commencez point, je vous prie, par les Scythes ; ils seront à vous quand vous le voudrez : marchez plutôt contre la Grèce. Car, seigneur, sur ce que j’ai ouï dire des femmes de ce pays, je ne désire rien tant que d’avoir à mon service des Lacédémoniennes, des Argiennes, des Athéniennes et des Corinthiennes. Vous avez ici l’homme du monde le plus