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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

venait plus. Périandre lui témoigna qu’il n’était pas possible que leur aïeul ne leur eût donné quelque conseil ; et, comme il le pressait par ses questions, le jeune prince se rappela les dernières paroles de Proclès, et en fit part à son père. Périandre, y ayant réfléchi, résolut de ne plus user d’indulgence envers son fils, et envoya défendre à ceux chez qui il se retirait de le recevoir chez eux. Lycophron, chassé d’un endroit, cherchait un asile dans un autre ; mais bientôt, sur les menaces et les ordres de Périandre, on l’obligeait aussi d’en sortir. Ce jeune homme passait ainsi de la maison d’un ami dans celle d’un autre ; et quoiqu’on redoutât Périandre, cependant, comme ce prince était son fils, on ne laissait pas de le recevoir.

LII. Enfin, Périandre fit publier que quiconque l’admettrait dans sa maison, ou lui parlerait, encourrait une amende applicable au temple d’Apollon. Cette amende était spécifiée dans l’édit. Personne n’osa plus alors le recevoir chez soi, ni lui parler. Lycophron lui-même, ne jugeant pas à propos de rien tenter contre la défense de son père, se retirait assidûment sous les portiques. Le quatrième jour, Périandre le voyant négligé dans tout son extérieur, et mourant de faim, en eut compassion. Il s’adoucit, et s’étant approché de lui, il lui parla ainsi : « Hé bien, mon fils ! lequel vaut mieux, à votre avis, ou de votre état actuel, ou de la souveraine puissance et des biens dont je jouis, et que vous pouvez partager avec moi en me témoignant de l’obéissance ? Quoique vous soyez mon fils, et roi de la riche Corinthe, vous préférez une vie errante et vagabonde, en irritant, par votre résistance et par votre colère, celui que vous auriez dû le moins offenser. S’il est arrivé dans cette affaire quelque malheur qui vous ait inspiré des soupçons sur ma conduite, ce malheur est retombé sur moi ; et je le ressens d’autant plus vivement, que j’en ai été moi-même l’auteur. Pour vous, qui savez par expérience combien il vaut mieux faire envie que pitié, et à quoi mène la colère contre un père, et surtout contre un père qui a la force en main, revenez au palais. »

Périandre tâchait ainsi de faire rentrer son fils en lui- ;