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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

que moi. Mais en attendant qu’il rende grâces aux dieux de n’avoir pas inspiré aux Éthiopiens le désir d’agrandir leur pays par de nouvelles conquêtes ! »

XXII. Ayant ainsi parlé, il débanda son arc, et le donna aux envoyés. Il prit ensuite l’habit de pourpre, et leur demanda ce que c’était que la pourpre, et comment elle se faisait. Quand les Ichtyophages lui eurent appris le véritable procédé de cette teinture : « Ces hommes, dit-il, sont trompeurs ; leurs vêtements le sont aussi. » Il les interrogea ensuite sur le collier et les bracelets d’or. Les Ichtyophages lui ayant répondu que c’étaient des ornements, il se mit à rire, et, les prenant pour des chaînes, il leur dit que les Éthiopiens en avaient chez eux de plus fortes. Il leur parla en troisième lieu des parfums qu’ils avaient apportés ; et lorsqu’ils lui en eurent expliqué la composition et l’usage, il leur répondit comme il avait fait au sujet de l’habit de pourpre. Mais lorsqu’il en fut venu au vin, et qu’il eut appris la manière de le faire, il fut très-content de cette boisson. Il leur demanda ensuite de quels aliments se nourrissait le roi, et quelle était la plus longue durée de la vie chez les Perses. Les envoyés lui répondirent qu’il vivait de pain, et lui expliquèrent la nature du froment. Ils ajoutèrent ensuite que le plus long terme de la vie des Perses était de quatre-vingts ans. Là-dessus, l’Éthiopien leur dit qu’il n’était point étonné que des hommes qui ne se nourrissaient que de fumier ne vécussent que peu d’années ; qu’il était persuadé qu’ils ne vivraient pas même si longtemps s’ils ne réparaient leurs forces par cette boisson (il voulait parler du vin), et qu’en cela ils avaient un avantage sur les Éthiopiens.

XXIII. Les Ichtyophages interrogèrent à leur tour le roi sur la longueur de la vie des Éthiopiens, et sur leur manière de vivre. Il leur répondit que la plupart allaient jusqu’à cent vingt ans, et quelques-uns même au delà ; qu’ils vivaient de viandes bouillies, et que le lait était leur boisson. Les espions paraissant étonnés de la longue vie des Éthiopiens, il les conduisit à une fontaine où ceux qui s’y baignent en sortent parfumés comme d’une odeur de violette, et plus luisants que s’ils s’étaient frottés