Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
24
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

de ses parents la détermina à s’embarquer avec les Phéniciens, pour cacher son déshonneur. Tels sont les récits des Perses et des Phéniciens. Pour moi, je ne prétends point décider si les choses se sont passées de cette manière ou d’une autre ; mais, après avoir indiqué celui que je connais pour le premier auteur des injures faites aux Grecs, je poursuivrai mon récit, qui embrassera les petits États comme les grands : car ceux qui florissaient autrefois sont la plupart réduits à rien, et ceux qui fleurissent de nos jours étaient jadis peu de chose. Persuadé de l’instabilité du bonheur des hommes, je me suis déterminé à parler également des uns et des autres.

VI. Crésus était Lydien de naissance, fils d’Alyattes, et tyran[1] des nations que renferme l’Halys dans son cours. Ce fleuve coule du sud, passe entre le pays des Syriens (Cappadociens) et celui des Paphlagoniens, et se jette au nord dans le Pont-Euxin. Ce prince est le premier Barbare, que je sache, qui ait forcé une partie des Grecs à lui payer tribut, et qui se soit allié avec l’autre. Il subjugua en effet les Ioniens, les Éoliens et les Doriens établis en Asie, et fit alliance avec les Lacédémoniens. Avant son règne, tous les Grecs étaient libres ; car l’expédition des Cimmériens contre l’Ionie, antérieure à Crésus, n’alla pas jusqu’à ruiner des villes : ce ne fut qu’une incursion, suivie de pillage.

VII. Voici comment la souveraine puissance, qui appartenait aux Héraclides, passa en la maison des Mermnades, dont était Crésus. Candaule, que les Grecs appellent Myrsile, fut tyran de Sardes. Il descendait d’Hercule par Alcée, fils de ce héros ; car Agron, fils de Ninus, petit-fils de Bélus, arrière-petit-fils d’Alcée, fut le premier des Héraclides qui régna à Sardes ; et Candaule, fils de Myrsus, fut le dernier. Les rois de ce pays antérieurs à Agron descendaient de Lydus, fils d’Atys, qui donna le nom de Lydiens à tous les peuples de cette contrée, qu’on appelait auparavant Méoniens. Enfin les Héraclides, à qui ces

  1. Les Grecs entendaient par tyran tout homme qui, changeant la constitution d’un État, s’en est rendu maître absolu, soit qu’il gouverne selon les règles de la justice, ou qu’il ne suive que ses caprices.