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EUTERPE, LIVRE II.

berté ; mais, comme ils ne pouvaient vivre un seul moment sans rois, ils en élurent douze, et divisèrent toute l’Égypte en autant de parties, qu’ils leur assignèrent. Ces douze rois s’unirent entre eux par des mariages, et s’engagèrent à ne se point détruire, à ne point rechercher d’avantage au préjudice les uns des autres, et à entretenir toujours entre eux une étroite amitié. Le but de ce traité était de se fortifier et de se prémunir contre tout danger, parce que, dès le commencement de leur règne, un oracle leur avait prédit que celui d’entre eux qui ferait des libations dans le temple de Vulcain avec une coupe d’airain aurait l’empire de l’Égypte entière. Ils tenaient en effet leurs assemblées dans tous les temples.

CXLVIII. Ils voulurent aussi laisser à frais communs un monument à la postérité. Cette résolution prise, ils firent construire un labyrinthe un peu au-dessus du lac Mœris, et assez près de la ville des Crocodiles. J’ai vu ce bâtiment, et l’ai trouvé au-dessus de toute expression. Tous les ouvrages, tous les édifices des Grecs ne peuvent lui être comparés ni du côté du travail ni du côté de la dépense ; ils lui sont de beaucoup inférieurs. Les temples d’Éphèse et de Samos méritent sans doute d’être admirés ; mais les pyramides sont au-dessus de tout ce qu’on peut en dire, et chacune en particulier peut entrer en parallèle avec plusieurs des plus grands édifices de la Grèce. Le labyrinthe l’emporte même sur les pyramides. Il est composé de douze cours environnées de murs, dont les portes sont à l’opposite l’une de l’autre, six au nord et six au sud, toutes contiguës ; une même enceinte de murailles, qui règne en dehors, les renferme ; les appartements en sont doubles ; il y en a quinze cents sous terre, quinze cents au-dessus, trois mille en tout. J’ai visité les appartements d’en haut, je les ai parcourus ainsi j’en parle avec certitude et comme témoin oculaire. Quant aux appartements souterrains, je ne sais que ce qu’on m’en a dit. Les Égyptiens gouverneurs du labyrinthe ne permirent point qu’on me les montrât, parce qu’ils servaient, me dirent-ils, de sépulture aux crocodiles sacrés, et aux rois qui ont fait bâtir entièrement