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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

avaient vécu si longtemps, quoiqu’ils eussent opprimé leurs sujets, et que, sans aucun égard pour les dieux, ils eussent fait fermer les temples ; tandis qu’il avait si peu de temps à vivre, lui qui avait eu tant de piété et de respect pour les dieux. Il lui vint là-dessus une seconde réponse de l’oracle, qui lui apprit que c’était pour cette raison-là même qu’il devait mourir de si bonne heure ; qu’il n’avait point fait ce qu’il attrait dû ; qu’il fallait que l’Égypte fût accablée de maux pendant cent cinquante ans ; que les deux rois ses prédécesseurs en avaient eu connaissance, et que lui il l’avait ignoré.

Mycérinus, voyant, par, cette réponse, que son arrêt était irrévocable, fit faire un grand nombre de lampes. Dès que la nuit était venue, il les faisait allumer, et passait le temps à boire et à se divertir, sans discontinuer ni jour ni nuit ; il allait dans les marais, les bois, et tous les lieux agréables et qu’il croyait les plus propres à inspirer du plaisir : il avait dessein, en convertissant les nuits en jours, de doubler le nombre des années, de six ans en faire douze, et de convaincre par là l’oracle de mensonge.

CXXXIV. Il laissa aussi une pyramide ; elle est carrée, et de pierre d’Éthiopie jusqu’à la moitié, mais beaucoup plus petite que celle de son père, ayant vingt pieds de moins, et chacun de ses côtés trois plèthres de large. Il y a des Grecs qui prétendent qu’elle est de la courtisane Rhodopis. Ils se trompent, et il me semble qu’ils ne connaissent pas même cette courtisane. S’ils l’eussent connue, ils ne lui eussent pas attribué la construction d’une pyramide qui, pour le dire en peu de mots, a coûté des millions de talents sans nombre : d’ailleurs Rhodopis n’a pas vécu sous Mycérinus, mais sous Amasis, c’est-à-dire un grand nombre d’années après la mort des rois qui ont fait construire ces pyramides.

Rhodopis était originaire de Thrace, esclave d’Iadmon, fils de Héphestopolis, de l’île de Samos, compagne d’esclavage d’Ésope le fabuliste ; car Ésope fut aussi esclave d’Iadmon. On en a des preuves ; et une des principales, c’est que les Delphiens ayant fait demander plusieurs fois