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EUTERPE, LIVRE II.

parfums, et, la nuit, il y a toujours une lampe allumée. Dans une autre salle près de celle où est cette génisse, on voit plusieurs statues debout, qui représentent les concubines de Mycérinus ; du moins les prêtres de la ville de Saïs le disaient ainsi. Il est vrai qu’il y a environ vingt statues colossales de femmes nues, qui sont toutes de bois ; mais je ne puis assurer qui elles représentent : je n’en sais que ce qu’on m’en a dit.

CXXXI. Quant à cette génisse et à ces colosses, on compte que Mycérinus étant devenu amoureux de sa fille, lui fit violence ; que cette jeune princesse s’étant étranglée de désespoir, son père fit mettre son corps dans cette génisse ; que sa mère fit couper les mains aux femmes de sa fille, qui l’avaient livrée à Mycérinus ; et qu’aujourd’hui leurs statues, qui n’ont point de mains, sont un témoignage du supplice dont elles furent punies pendant leur vie. Mais je crois que tout ce que l’on raconte de cet amour et des mains des colosses n’est qu’une fable : en effet, j’ai remarqué, à la vue de ces colosses, que leurs mains étaient tombées de vétusté, et, de mon temps, on les voyait encore aux pieds des statues.

CXXXII. Cette génisse est couverte d’une housse cramoisie, excepté la tête ou le cou, qui sont dorés d’un or fort épais. Entre les cornes est placé le cercle du soleil, en or. Elle n’est pas debout, mais sur les genoux, et elle est de la stature des plus grandes génisses. On la transporte tous les ans hors de la salle. Cette cérémonie se fait dans le temps où les Égyptiens se frappent et se lamentent pour un certain dieu que je ne dois pas nommer ici : c’est alors qu’on expose cette génisse à la lumière ; car ils disent que la princesse, en mourant, pria Mycérinus, son père, de lui faire voir le soleil une fois par an.

CXXXIII. Il arriva à Mycérinus un nouveau malheur après la mort de sa fille : il reçut de la ville de Buto un oracle qui lui annonçait qu’il n’avait plus que six ans à vivre, et qu’il mourrait la septième année. Il en conçut tant de chagrins, qu’il envoya vers l’oracle pour faire à la déesse de vifs reproches de ce que son père et son oncle

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