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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

jusqu’à Memphis, où il fit à ce prince un récit véritable de ce qui s’était passé. Il en reçut toutes sortes de bons traitements ; on lui rendit Hélène, qui n’avait souffert aucun mal, et on lui remit tous ses trésors.

Ménélas ne reconnut ces bienfaits que par des outrages. Comme il voulait s’embarquer, et que les vents contraires le retenaient, après avoir longtemps attendu, il imagina d’immoler deux enfants du pays. Cette action impie, qui parvint bientôt à la connaissance des Égyptiens, le rendit odieux : on le poursuivit, et il fut obligé de se sauver par mer en Libye. Les Égyptiens ne purent m’apprendre de quel côté il alla ensuite ; ils m’assurèrent qu’ils avaient une connaissance certaine d’une partie de ces faits, parce qu’ils s’étaient passés chez eux, et qu’ils avaient appris les autres par leurs recherches. Les prêtres d’Égypte me dirent ces choses.

CXX. Je suis du sentiment des prêtres d’Égypte au sujet d’Hélène, et voici quelques conjectures que j’y ajoute : Si cette princesse eût été à Troie, on l’aurait sûrement rendue aux Grecs, soit qu’Alexandre y eût consenti, soit qu’il s’y fût opposé. Priam et les princes de la famille royale n’étaient pas assez dépourvus de sens pour s’exposer à périr, eux, leurs enfants et leur ville, afin de conserver à Alexandre la possession d’Hélène. Supposons même qu’ils eussent été dans ces sentiments au commencement de la guerre, du moins, lorsqu’ils virent qu’il périssait tant de Troyens toutes les fois qu’on en venait aux mains avec les Grecs, et qu’en différents combats il en avait déjà coûté la vie à deux ou trois des enfants de Priam, ou même à un plus grand nombre, s’il faut en croire les poëtes épiques ; quand Priam aurait été lui-même épris d’Hélène, je pense qu’il n’aurait pas balancé à la rendre aux Grecs, pour se délivrer de tant de maux.

D’ailleurs Alexandre n’était pas l’héritier présomptif de la couronne ; il n’était pas chargé de l’administration des affaires dans la vieillesse de Priam. Hector était son aîné, et jouissait d’une plus grande considération. Priam venant à mourir, ce prince devait lui succéder ; ainsi il ne lui eût été ni honorable ni avantageux de favoriser les injustices