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EUTERPE, LIVRE II.

XCIV. Les Égyptiens qui habitent dans les marais se servent d’une huile exprimée du fruit du sillicyprion ; ils l’appellent kiki. Voici comment ils la font : ils sèment sur les bords des différentes branches du fleuve, et sur ceux des étangs, du sillicyprion. En Grèce, cette plante vient d’elle-même et sans culture ; en Égypte, on la sème, et elle porte une grande quantité de fruits d’une odeur forte. Lorsqu’on les a recueillis, les uns les broient et en tirent l’huile par expression ; les autres les font bouillir, après les avoir fait rôtir : l’huile se détache, et on la ramasse. C’est une liqueur grasse qui n’est pas moins bonne pour les lampes que l’huile d’olive ; mais elle a une odeur forte et désagréable.

XCV. On voit en Égypte une quantité prodigieuse de moucherons. Les Égyptiens ont trouvé des moyens pour s’en garantir. Ceux qui habitent au-dessus des marais se mettent à couvert de ces insectes en dormant sur le haut d’une tour : le vent empêche les moucherons de voler si haut. Ceux qui demeurent dans la partie marécageuse ont imaginé un autre moyen : il n’y a personne qui n’ait un filet. Le jour, on s’en sert pour prendre du poisson ; la nuit, on l’étend autour du lit ; on passe ensuite sous ce filet, et l’on se couche. Si l’on voulait dormir avec ses habits, ou enveloppé d’un drap, on serait piqué par les moucherons, au lieu qu’ils ne l’essayent pas même à travers le filet.

XCVI. Leurs vaisseaux de charge sont faits avec l’épine, qui ressemble beaucoup au lotos de Cyrène, et dont il sort une larme qui se condense en gomme. Ils tirent de cette épine des planches d’environ deux coudées ; ils les arrangent de la même manière qu’on arrange les briques, et les attachent avec des chevilles fortes et longues ; ils placent sur leur surface des solives, sans se servir de varangues ni de courbes ; mais ils affermissent en dedans cet assemblage avec des liens de byblus : ils font ensuite un gouvernail qu’ils passent à travers la carène, puis un mât avec l’épine, et des voiles avec le byblus.

Ces navires ne peuvent pas remonter le fleuve, à moins d’être poussés par un grand vent ; aussi est-on obligé de