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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

XCI. Les Égyptiens ont un grand éloignement pour les coutumes des Grecs, en un mot pour celles de tous les autres hommes. Cet éloignement se remarque également dans toute l’Égypte, excepté à Chemmis, ville considérable de la Thébaïde[1], près de Néapolis, où l’on voit un temple de Persée, fils de Danaé. Ce temple est de figure carrée, et environné de palmiers ; le vestibule est vaste et bâti de pierres, et sur le haut on remarque deux grandes statues de pierre : dans l’enceinte sacrée est le temple, où l’on voit une statue de Persée. Les Chemmites disent que ce héros apparaît souvent dans le pays et dans le temple ; qu’on trouve quelquefois une de ses sandales, qui a deux coudées de long ; et qu’après qu’elle a paru, la fertilité et l’abondance règnent dans toute l’Égypte. Ils célèbrent en son honneur, et à la manière des Grecs, des jeux gymniques, qui, de tous les jeux, sont les plus excellents. Les prix qu’on y propose sont du bétail, des manteaux[2] et des peaux.

Je leur demandai un jour pourquoi ils étaient les seuls à qui Persée eût coutume d’apparaître, et pourquoi ils se distinguaient du reste des Égyptiens par la célébration des jeux gymniques. Ils me répondirent que Persée était originaire de leur ville, et que Danaüs et Lyncée, qui firent voile en Grèce, étaient nés à Chemmis. Ils me firent ensuite la généalogie de Danaüs et de Lyncée, en descendant jusqu’à Persée ; ils ajoutèrent que celui-ci étant venu en Égypte pour enlever de Libye, comme le disent aussi les Grecs, la tête de la Gorgone, il passa par leur ville, où il reconnut tous ses parents ; que, lorsqu’il arriva en Égypte, il savait déjà le nom de Chemmis par sa mère ; enfin que c’était par son ordre qu’ils célébraient des jeux gymniques en son honneur.

XCII. Les Égyptiens qui habitent au-dessus des marais

  1. Les Égyptiens appelaient cette ville Chemmo. Chemmis paraît une terminaison grecque. C’est la même ville que Panopolis. (L.)
  2. La chlæne était proprement un habillement d’hiver ; cependant il y en avait de légères. Celles qu’on donnait pour prix à Chemmis, dont le climat était très-chaud, devaient être de cette nature. Les prix différaient suivant la différence des jeux et des lieux où on les célébrait. (L.)