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EUTERPE, LIVRE II.

sent-ils, les bêtes et les différentes espèces d’oiseaux s’accoupler dans les temples et les autres lieux consacrés aux dieux : si donc cette action était désagréable à la Divinité, les bêtes mêmes ne l’y commettraient pas. Voilà les raisons dont les autres peuples cherchent à s’autoriser ; mais je ne puis les approuver.

LXV. Entre autres pratiques religieuses, les Égyptiens observent scrupuleusement celles-ci. Quoique leur pays touche à la Libye, on y voit cependant peu d’animaux ; et ceux qu’on y rencontre, sauvages ou domestiques, on les regarde comme sacrés. Si je voulais dire pourquoi ils les ont consacrés, je m’engagerais dans un discours sur la religion et les choses divines ; or j’évite surtout d’en parler, et le peu que j’en ai dit jusqu’ici, je ne l’ai fait que parce que je m’y suis trouvé forcé. La loi leur ordonne de nourrir les bêtes, et parmi eux il y a un certain nombre de personnes, tant hommes que femmes, destinées à prendre soin de chaque espèce en particulier. C’est un emploi honorable[1] : le fils y succède à son père. Ceux qui demeurent dans les villes s’acquittent des vœux[2] qu’ils leur ont faits. Voici de quelle manière : lorsqu’ils adressent leurs prières au dieu auquel chaque animal est consacré, et qu’ils rasent la tête de leurs enfants, ou tout entière, ou à moitié, ou seulement le tiers, ils mettent ces cheveux dans un des bassins d’une balance, et de l’argent dans l’autre, Quand l’argent a fait pencher la balance[3], ils le donnent à la

  1. « Bien loin de refuser cet emploi, ou de rougir de l’exercer en public, ils en tirent au contraire vanité, comme s’ils participaient aux plus grands honneurs des dieux. Lorsqu’ils vont par les villes et par les campagnes, ils portent de certaines marques qui font connaître l’espèce d’animal dont ils prennent soin, et ceux qui se trouvent sur leur passage les respectent et les adorent. » (Diod. de Sicile, liv i.).
  2. Ces vœux regardent la santé de leurs enfants.
  3. « Ces fonds n’étaient pas les seuls qui fussent destinés à la nourriture de ces animaux. Il y a un champ consacré à chaque espèce d’animaux qu’ils vénèrent. Il est d’un revenu suffisant pour leur nourriture et le soin qu’on en prend… On donnait aux éperviers de la viande coupée par morceaux, qu’on leur jetait jusqu’à ce qu’ils les prissent, en les appelant à haute voix. On servait aux chats et aux ichneumons du pain émietté dans du lait, ou des poissons du Nil coupés par morceaux. Ils fournissent de la même manière, à chaque espèce d’animal, l’aliment qui lui convient. » (Diod. de Sicile, liv. i.)

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