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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

mais, l’hiver, il est le seul que cet astre mette à contribution : c’est pourquoi je regarde le soleil comme la cause de ces effets.

XXVI. C’est lui aussi qui rend, à mon avis, l’air sec en ce pays, parce qu’il le brûle sur son passage ; et c’est pour cela qu’un été perpétuel règne dans la Libye supérieure. Si l’ordre des saisons et la position du ciel venaient à changer de manière que le nord prît la place du sud, et le sud celle du nord, alors le soleil, chassé du milieu du ciel par l’hiver, prendrait sans doute son cours par la partie supérieure de l’Europe, comme il le fait aujourd’hui par le haut de la Libye ; et je pense qu’en traversant ainsi toute l’Europe, il agirait sur l’Ister comme il agit actuellement sur le Nil.

XXVII. J’ai dit qu’on ne sentait jamais de vents frais sur ce fleuve, et je pense qu’il est contre toute vraisemblance qu’il puisse en venir d’un climat chaud, parce qu’ils ont coutume de souffler d’un pays froid : quoi qu’il en soit, laissons les choses comme elles sont, et comme elles ont été dès le commencement.

XXVIII. De tous les Égyptiens, les Libyens et les Grecs avec qui je me suis entretenu, aucun ne se flattait de connaître les sources du Nil, si ce n’est le hiérogrammatéus, ou interprète des hiéroglyphes de Minerve, à Saïs en Égypte. Je crus néanmoins qu’il plaisantait, quand il m’assura qu’il en avait une connaissance certaine. Il me dit qu’entre Syène, dans la Thébaïde, et Éléphantine, il y avait deux montagnes dont les sommets se terminaient en pointe ; que l’une de ces montagnes s’appelait Crophi, et l’autre Mophi. Les sources du Nil, qui sont de profonds abîmes, sortaient, disait-il, du milieu de ces montagnes : la moitié de leurs eaux coulait en Égypte, vers le nord ; et l’autre moitié en Éthiopie, vers le sud. Pour montrer que ces sources étaient des abîmes, il ajouta que Psammitichus, ayant voulu en faire l’épreuve, y avait fait jeter un câble de plusieurs milliers d’orgyies[1], mais que la sonde n’avait pas été jusqu’au fond. Si le récit de cet in-

  1. L’orgyie avait quatre coudées ou six pieds grecs, comme on le verra plus bas, § cxlix. L’orgyie revient à environ cinq pieds huit pouces.