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CLIO, LIVRE I.

abattre une tour de la ville, et consacrer une maison. Comme ils ne pouvaient souffrir l’esclavage, ils demandèrent un jour pour délibérer sur sa proposition, promettant, après cela, de lui faire réponse. Ils le prièrent aussi de retirer ses troupes de devant leurs murailles pendant qu’on serait au conseil. Harpage répondit que, quoiqu’il n’ignorât pas leurs projets, il ne laissait pas cependant de leur permettre de délibérer. Pendant qu’Harpage retirait ses troupes de devant la ville, les Phocéens lancèrent leurs vaisseaux en mer, y mirent leurs femmes, leurs enfants et leurs meubles, et, de plus, les statues et les offrandes qui se trouvèrent dans les temples, excepté les peintures et les statues de bronze et de pierre. Lorsqu’ils eurent porté tous leurs effets à bord de ces vaisseaux, ils s’embarquèrent et firent voile à Chios : les Perses, ayant trouvé la ville abandonnée, s’en emparèrent.

CLXV. Les Phocéens demandèrent à acheter les îles Œnusses ; mais voyant que les habitants de Chios ne voulaient pas les leur vendre, dans la crainte qu’ils n’y attirassent le commerce et que leur île n’en fût exclue, ils mirent à la voile pour se rendre en Cyrne, où vingt ans auparavant ils avaient bâti la ville d’Alalie pour obéir à un oracle. D’ailleurs Arganthonius était mort dans cet intervalle. Ayant donc mis à la voile pour s’y rendre, ils allèrent d’abord à Phocée, et égorgèrent la garnison qu’Harpage y avait laissée. Faisant ensuite les plus terribles imprécations contre ceux qui se sépareraient de la flotte, ils jetèrent dans la mer une masse de fer ardente, et firent serment de ne retourner jamais à Phocée que cette masse ne revînt sur l’eau. Tandis qu’ils étaient en route pour aller en Cyrne, plus de la moitié, touchés de compassion, et regrettant leur patrie et leurs anciennes demeures, violèrent leur serment, et retournèrent à Phocée. Les autres, plus religieux, partirent des îles Œnusses, et continuèrent leur route.

CLXVI. Lorsqu’ils furent arrivés en Cyrne, ils élevèrent des temples, et demeurèrent cinq ans avec les colons qui les avaient précédés ; mais comme ils ravageaient et pillaient tous leurs voisins, les Tyrrhéniens et les Carthaginois mirent les uns et les autres en mer, d’un commun