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l’ordre intellectuel et littéraire, ce qu’ont été, dans l’ordre moral et religieux, la dispersion des Juifs, leur laborieux et patient exil, leur foi dans l’avenir et la propagation de leur croyance unitaire : nous acceptons ces deux faits comme également providentiels. Tout en applaudissant à cette puissance des influences morales qui tend à se substituer de plus en plus à l’irrésistible et brutal empire de la force, on se demande avec effroi si la force qui comprime n’exerce pas à la longue d’aussi profonds ravages que la force qui détruit ; s’il n’est pas de saines perturbations nécessaires au corps social, et le purifiant comme l’orage purifie l’air ; et si, travaillé par une lente décomposition sous la main de plomb qui l’enserre, il ne regrettera pas la main de fer qui lui a fait si souvent de sanglantes et profondes blessures.

On ne peut nier cependant que ce haut protectorat européen, qui s’oppose à l’absorption des États et à la disparition des monarchies, ne soit une puissante garantie de paix et de civilisation relative. Ce conseil permanent, et dont l’action est incessante, même lorsqu’il n’est pas réuni, réalise la pensée fondamentale de l’abbé de Saint-Pierre, et nous conduit, à travers tous les perfectionnements de l’art de détruire, et