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miers venus d’entre les spectateurs ; il fait dévorer le peuple pour que le peuple s’amuse. Au milieu de ces horribles scènes de cruauté et d’abaissement, quelques nobles exceptions se présentent et soulagent le cœur. Quand Néron, après le meurtre de sa mère, rentre dans Rome au milieu des acclamations de la multitude, de hardis emblèmes lui reprochent son crime. Si les proches parents des condamnés à mort, sous le même empereur, ornent leurs maisons de branches de laurier, en signe de fête, et vont se jeter aux genoux du prince pour le bénir de leur avoir conservé la vie, on voit au contraire, sous Domitien, la courageuse Fannia partant pour l’exil, montrer à tous qu’elle emporte avec elle l’écrit de Sénécion, la vie de son époux Helvidius Priscus, quoiqu’il fût défendu à tous, sous peine de mort, de lire et de garder ces éloquentes pages où revivait l’esprit de la république. Ainsi, quand le corps est agonisant, tout à coup un sang généreux remonte au cœur et le fait palpiter encore.

Mais les temps de l’irrémissible décadence étaient venus ; l’heure avait sonné ; l’impulsion fatale était donnée, elle datait de loin. Marius avait porté le premier coup à la république, en admettant tout le monde sous les drapeaux ;