Page:Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces lignes me serrent le cœur ; elles sont grosses de tempêtes et d’expiations : cette tristesse du peuple contient en elle la révolution française. Mazarin dans son temps avait prévu juste. Le sol tremblait, car le peuple de Paris ne chantait plus.

Ce n’est pas ainsi que je me représente le peuple de Rome sous les empereurs dont Hérodien nous a raconté l’histoire. Le sens moral et presque le sentiment de lui-même l’avaient abandonné. Ce n’est pas une révolution qui s’approchait ; c’était la dissolution qui gagnait le corps tout entier, grands et petits, sénateurs et plébéiens, peuple et soldats. Rome s’en allait par lambeaux, et ne vivait plus que de deux choses, la vie militaire, cet anéantissement de la vie morale des nations, et la curiosité que lui inspirait la tyrannie fantasque de ses empereurs d’un jour. Rome n’était pas triste ; elle avait le cirque à toute heure ; elle avait le pain presque toujours, les jeux sanglants et infâmes des gladiateurs, des spectacles bizarres et atroces, des supplices, des spoliations imprévues, des vengeances populaires ou impériales, des catastrophes de palais ayant tout l’imprévu du roman, des scandales de cour et des rentrées triomphales.