Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/263

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour danser une ronde et entonnant une chanson que l’on ne comprenait pas… Ici…

Maria regardait son père, qui dormait toujours, le menton sur sa poitrine comme un homme accablé qui médite sur la mort, et tout de suite elle se souvint des cantiques et des chansons naïves qu’il apprenait aux enfants presque chaque soir.

À la claire fontaine,
M’en allant promener

Dans les villes des États, même si l’on apprenait aux enfants ces chansons-là, sûrement ils auraient vite fait de les oublier !

Les nuages épars qui tout à l’heure défilaient d’un bout à l’autre du ciel baigné de lune s’étaient fondus en une immense nappe grise, pourtant ténue, qui ne faisait que tamiser la lumière ; le sol couvert de neige mi-fondue était blafard, et entre ces deux étendues claires la lisière noire de la forêt s’allongeait comme le front d’une armée.

Maria frissonna ; l’attendrissement qui était venu baigner son cœur s’évanouit ; elle se dit une fois de plus :

« Tout de même… c’est un pays dur, icitte. Pourquoi rester ? »

Alors une troisième voix plus grande que les autres s’éleva dans le silence : la voix du pays