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sément : les larges rues illuminées, les magasins magnifiques, la vie facile, presque sans labeur, emplie de petits plaisirs. Mais peut-être se lassait-on de ce vertige à la longue, et les soirs où l’on ne désirait rien que le repos et la tranquillité, où retrouver la quiétude des champs et des bois, la caresse de la première brise fraîche, venant du nord-ouest après le coucher du soleil, et la paix infinie de la campagne s’endormant tout entière dans le silence ?

« Ça doit être beau pourtant ! » se dit-elle en songeant aux grandes cités américaines. Et une autre voix s’éleva comme une réponse. Là-bas c’était l’étranger : des gens d’une autre race parlant d’autre chose dans une autre langue, chantant d’autres chansons… Ici…

Tous les noms de son pays, ceux qu’elle entendait tous les jours, comme ceux qu’elle n’avait entendus qu’une fois, se réveillèrent dans sa mémoire : les mille noms que des paysans pieux venus de France ont donnés aux lacs, aux rivières, aux villages de la contrée nouvelle qu’ils découvraient et peuplaient à mesure… lac à l’Eau-Claire… la Famine… Saint-Cœur-de-Marie… Trois-Pistoles… Sainte-Rose-du-Dégel… Pointe-aux-Outardes… Saint-André-de-l’Épouvante…

Eutrope Gagnon avait un oncle qui demeurait à Saint-André-de-l’Épouvante : Racicot, de