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la fenêtre de gouttes pesantes qui coulaient ensuite sur le carreau comme des larmes lentes. Encore quelques heures de pluie et ce serait le sol mis à nu, les ruisseaux se formant sur toutes les pentes ; quelques jours, et de nouveau l’on entendrait les chutes…

— Quand nous avons pris une autre terre en haut de Mistassini, reprit Samuel Chapdelaine, ç’a été la même chose : du travail dur et de la misère pour elle comme pour moi ; mais toujours encouragée et de belle humeur… Là nous étions en plein bois ; mais comme il y avait des clairières avec du foin bleu parmi les roches, nous nous sommes mis à élever des moutons. Un soir…

Il se tut encore quelques instants, puis recommença à parler en regardant Maria fixement comme s’il voulait lui faire bien comprendre ce qu’il allait dire.

— C’était en septembre ; au temps où toutes les bêtes dans le bois deviennent mauvaises. Un homme de Mistassini qui descendait la rivière en canot s’était arrêté près de chez nous et il nous avait dit comme ça : « Prenez garde à vos moutons, les ours sont venus tuer une génisse tout près des maisons la semaine passée. » Alors la mère et moi nous sommes allés ce soir-là virer au foin bleu pour faire rentrer les moutons au clos la nuit, pour pas que les ours les mangent.