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son œuvre, l’homme de sentiment et de réflexion se trahit malgré qu’il en ait. Le livre fermé, on songe avec ravissement à cet art subtil qui a tracé dans votre imagination des tableaux désormais ineffaçables. On partage la sympathie qui a permis à l’auteur de pénétrer si profondément dans l’âme de ces enfants de la douce France, transportés en de si rudes pays. Et, peu à peu, non sans quelque étonnement, on voit surgir d’une simple nouvelle ce redoutable problème : Quelle fin, hommes d’aujourd’hui, devons-nous donner à notre vie ? Il en est au moins trois entre lesquelles nous pouvons choisir : la lutte et les aventures du pionnier, la jouissance du progrès dans le confort des villes, l’attachement à la terre natale et à ses traditions. De ces trois fins, laquelle est la plus digne d’être poursuivie ?

Cher jeune ami, qui nous fûtes enlevé, en pleine jeunesse, par un destin brutal, vous mêlez nos cœurs à ceux de nos frères canadiens, vous nous faites réfléchir sur les destinées de l’humanité, vous nous laissez pénétrer dans votre âme inquiète et généreuse. Soyez trois fois remercié ; recevez l’hommage de nos regrets affectueux et de notre souvenir reconnaissant.

Émile BOUTROUX
de l’Académie française.

Paris, 12 juillet 1916.