Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

boire tant que ça, sa mère. Tâchez d’endurer votre soif un temps.

— C’est pas endurable, je te dis… La soif, et puis le mal que j’ai dans tout le corps, et la tête qui me brûle… Oh ! mon Dou ! C’est certain que je vas mourir.

Un peu avant le jour elles s’assoupirent toutes les deux ; mais Maria fut bientôt réveillée par son père, qui lui secouait l’épaule et parlait à voix basse.

— Je vas atteler, dit-il. J’irai virer à Mistook pour chercher le médecin, et en passant à la Pipe je vas parler à M. le curé aussi. C’est épeurant de l’entendre se lamenter de même…

Les yeux ouverts dans la clarté blafarde de l’aube, Maria prêta l’oreille aux bruits du départ ; la porte de l’écurie battant contre le mur ; les sabots du cheval sonnant mat sur les madriers de l’allée ; des commandements étouffés : « Ho là ! Harrié !… Harrié donc ! Ho !… » puis le tintement des grelots de l’attelage. Dans le silence qui suivit la malade gémit deux ou trois fois, mais sans se réveiller ; Maria regarda le jour pâle emplir la maison et songea au voyage de son père, s’efforçant de calculer les distances.

De chez eux au village de Honfleur, huit milles. De Honfleur à la Pipe, six. À la Pipe son père parlerait à M. le curé et puis il continuerait vers Mistook. Elle se reprit, et au lieu