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attentifs, chargée de résoudre sans aide un problème difficile.

C’était ainsi : quand une fille arrivait à un certain âge, lorsqu’elle était plaisante à voir, saine et forte, habile à toutes les besognes de la maison et de la terre, de jeunes hommes lui demandaient de les épouser. Et il fallait qu’elle dît : « Oui » à celui-là, « Non » à l’autre…

Si François Paradis ne s’était pas écarté sans retour dans les bois désolés, tout eût été facile. Elle n’aurait pas eu à se demander ce qu’il lui fallait faire : elle serait allée droit vers lui, poussée par une force impérieuse et sage, aussi sûre de bien faire qu’une enfant qui obéit. Mais il était parti ; il ne reviendrait pas comme il l’avait promis, ni au printemps ni plus tard, et M. le curé de Saint-Henri avait défendu de continuer par un long regret la longue attente.

Oh ! mon Dou ! Quel temps merveilleux ç’avait été que le commencement de cette attente ! Quelque chose se gonflait et s’ouvrait dans son cœur de semaine en semaine, comme une belle gerbe riche dont les épis s’écartent et se penchent, et une grande joie venait vers elle en dansant… Non, c’était plus vif et plus fort que cela. C’était pareil à une grande flamme-lumière aperçue dans un pays triste, à la brunante, une promesse éclatante vers laquelle on marche, oubliant les