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un peu par pitié, un peu pour l’honneur de la culture.

— Ça force un peu au commencement quand on n’est pas accoutumé, dit-elle, mais vous verrez que quand votre terre sera pas mal avancée vous ferez une belle vie.

— C’est drôle, remarqua Conrad Néron, comme chacun a du mal à se contenter. En voilà trois qui ont quitté leurs places et qui sont venus de ben loin pour s’établir icitte et cultiver, et moi je suis toujours à me dire qu’il ne doit rien y avoir de plus plaisant que d’être tranquillement assis dans un office toute la journée, la plume à l’oreille, à l’abri du froid et du gros soleil.

— Chacun a son idée, décréta Lorenzo Surprenant, impartial.

— Et ton idée à toi, ça n’était point de rester à Honfleur à suer sur les « chousses », fit Racicot avec un gros rire.

— C’est vrai, et je ne m’en cache pas : ça ne m’aurait pas adonné. Ces hommes icitte ont acheté ma terre. C’est une bonne terre, personne ne peut rien dire à l’encontre ; ils avaient dessein d’en acheter une et je leur ai vendu la mienne. Mais pour moi, je me trouve bien où je suis et je n’aurais pas voulu revenir.

La mère Chapdelaine secoua la tête.

— Il n’y a pas de plus belle vie que la vie d’un habitant qui a de la santé et point de