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MARIA CHAPDELAINE

son petit toit de planches, faisait une tache sombre ; la porte du foyer ne fermait pas exactement et laissait passer une raie de lumière rouge ; la lisière noire du bois se rapprochait un peu dans la nuit. Maria restait immobile, goûtant le repos et la fraîcheur, et sentait mille songes confus tournoyer autour d’elle comme un vol de corneilles.

Autrefois cette attente dans la nuit n’était qu’un demi-assoupissement, et elle ne cessait de souhaiter patiemment que la cuisson achevée lui permît le sommeil ; depuis que François Paradis avait passé, la longue veille hebdomadaire lui était plaisante et douce, parce qu’elle pouvait penser à lui et à elle-même sans que rien vînt interrompre le cours des choses heureuses qu’elle imaginait. Elles étaient infiniment simples, ces choses, et n’allaient guère loin. Il reviendrait au printemps ; ce retour, le plaisir de le revoir, les mots qu’il lui dirait quand ils se trouveraient seuls de nouveau, les premiers gestes d’amour qui les joindraient, il était déjà difficile à Maria de se figurer clairement comment tout cela pourrait arriver.

Elle essayait pourtant. D’abord elle se répétait deux ou trois fois son nom entier, cérémonieusement, tel que les autres le prononçaient : François Paradis, de Saint-Michel-de-Mistassini… François Paradis… Et tout à coup, intimement : François.