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MARIA CHAPDELAINE

pour eux onze ans plus tôt, quand les enfants étaient tout jeunes, et ils le gardaient maintenant à moitié par habitude et à moitié parce qu’ils répugnaient à se priver des services d’un si terrible travailleur. Pendant le temps des foins Maria et sa mère n’eurent donc à faire que leur ouvrage habituel : la tenue de la maison, la confection des repas, la lessive et le raccommodage du linge, la traite des trois vaches et le soin des volailles, et une fois par semaine la cuisson du pain, qui se prolongeait souvent tard dans la nuit.

Les soirs de cuisson, l’on envoyait Télesphore à la recherche des boîtes à pain, qui se trouvaient invariablement dispersées dans tous les coins de la maison ou du hangar, parce qu’elles avaient servi tous les jours à mesurer l’avoine au cheval ou le blé d’Inde aux poules, sans compter vingt autres usages inattendus qu’on leur trouvait à chaque instant. Lorsqu’elles étaient toutes rassemblées et nettoyées, la pâte levait déjà, et les femmes se hâtaient de se débarrasser des autres ouvrages pour abréger leur veillée.

Télesphore avait fait brûler dans le foyer d’abord quelques branches de cyprès gommeux, dont la flamme sentait la résine, puis de grosses bûches d’épinette rouge qui donnaient une chaleur égale et soutenue. Quand le four était chaud, Maria y rangeait les boîtes