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MARIA CHAPDELAINE

messe, et après cela le long loisir merveilleux du dimanche s’étendit devant eux. Mais le programme de la journée était déjà arrêté. Eutrope Gagnon arriva comme ils finissaient le dîner, qui avait été servi de bonne heure, et aussitôt après ils partirent tous, munis d’une multitude disparate de seaux, de plats et de gobelets d’étain.

Les bleuets étaient bien mûrs. Dans les brûlés, le violet de leurs grappes et le vert de leurs feuilles noyaient maintenant le rose éteint des dernières fleurs de bois de charme. Les enfants se mirent à les cueillir de suite avec des cris de joie ; mais les grandes personnes se dispersèrent dans le bois, cherchant les grosses tales au milieu desquelles on peut s’accroupir et remplir un seau en une heure. Le bruit des pas sur les broussailles et dans les taillis d’aunes, les cris de Télesphore et d’Alma-Rose qui s’appelaient l’un l’autre, tous ces sons s’éloignèrent peu à peu et autour de chaque cueilleur il ne resta plus que la clameur des mouches ivres de soleil et le bruit du vent dans les branches des jeunes bouleaux et des trembles.

— Il y a une belle tale icitte, appela une voix.

Maria se redressa, le cœur en émoi, et alla rejoindre François Paradis qui s’agenouillait derrière les aunes. Côte à côte ils ramassèrent des bleuets quelque temps avec diligence, puis