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amis. Souhaitez-lui bonne chance, car il va se battre pour nous délivrer. »

Les enfants m’embrassèrent et la pauvre femme me salua tristement.

Il était plus de quatre heures.

M. Bürger me reconduisit sur la place, pour m’indiquer la route que j’avais à suivre.

« Deux chemins peuvent te conduire près de Metz, me dit-il. À droite de la Moselle, la route qui monte dans les collines qui nous séparent de la Seille : par là, tu iras directement à Metz, en traversant un pays qui doit être ravagé par les passages de l’armée allemande. Mais tu n’y trouveras plus de grandes masses de troupes, si ce n’est près de Metz.

Tandis que la route de la rive gauche doit être, en ce moment, couverte des troupes que nous avons vues ici, et qui veulent cerner Metz ou marcher vers la Meuse. Là, tu pourrais être exposé à de fâcheuses rencontres, à te trouver dans une escarmouche ou même dans une bataille. »


V

Je résolus donc de suivre la route de la Seille, et après avoir pris congé du vieux professeur, je me mis en marche.

Je n’étais pas sans inquiétude, car il était déjà tard et plusieurs personnes m’avaient assuré que je trouverais difficilement à manger et à me loger, parce que l’armée prussienne avait stationné dans presque tous les villages de la vallée. Des réquisitions nombreuses se faisaient aussi chez les habitants.

C’est pourquoi les paysans, par crainte et par défiance, cachaient ce qui pouvait leur rester. Ils n’avaient d’ailleurs que le maigre nécessaire et beaucoup en man-