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l’irréligion de l’avenir.

rience interne, dit-il, c’est seulement la conscience même qui est pour nous « immédiatement certaine ». Or, ceci implique, ajoute-t-il, « que toutes ces substances auxquelles le spiritualisme attache et lie l’expérience interne ou externe sont ce qu’il y a de plus incertain, car elles ne nous sont données dans aucune expérience. Ce sont des fictions volontaires à l’aide desquelles on essaye d’expliquer la connexion des expériences ». La vraie explication de cette connexion doit être cherchée ailleurs, dans une continuité de fonction et non dans une simplicité de substance. « Les effets consécutifs des états antérieurs se combinent avec ceux qui arrivent nouvellement : de cette manière peut prendre naissance une continuité aussi bien des états internes que des mouvements externes, continuité qui est la condition d’une conscience. » La liaison des états mentaux successifs manque dans les corps, quoiqu’ils doivent déjà envelopper le germe de l’action et de la sensation. Pour cette raison, Leibnitz n’avait pas tort de dire que les corps sont des « esprits momentanés » où tout est oublié immédiatement, où rien ne déborde du présent dans le passé et dans l’avenir ; la vie consciente, au contraire, réalise à travers des éléments qui changent une continuité de fonctions mentales, une mémoire, une durée. Cette continuité n’est pas un résultat de la simplicité, mais au contraire de la complexité supérieure qui appartient aux fonctions mentales. « Par son côté physique, dit Wundt, comme par son côté psychique, le corps vivant est une unité ; cette unité n’est pas fondée sur la simplicité, mais, au contraire, sur la composition très complexe. La conscience, avec ses états multiples et cependant unis étroitement, est pour notre conception interne une unité analogue à celle qu’est l’organisme corporel pour notre conception externe. La corrélation absolue entre le physique et le psychique suggère l’hypothèse suivante[1] : Ce que nous appelons l’âme est l’être interne de la même unité que nous envisageons, extérieurement, comme étant le corps qui lui appartient. Cette manière de concevoir le problème de la corrélation pousse inévitablement à supposer que l’être intellectuel est la réalité des choses, et que la propriété la plus essentielle de l’être est le développement, l’évolution. La conscience humaine est, pour nous, le sommet de cette évolution : elle

  1. C’est l’hypothèse même du monisme.