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la littérature des déséquilibrés.

partiellement et par intermittence : ils s’isolent en eux-mêmes, vivent pour eux, et ils peuvent bien nous forcer à sympathiser avec leurs souffrances, mais non avec leur caractère, lisent ce quelque chose de farouche et de sauvage que présentent les malades chez toutes les espèces animales. Ils ignorent l’afïection continue, large, se donnant avec la régularité de tout ce qui est fécond. Quand ils ressentent avec force des sentiments de pitié, c’est par intermittence, par soubresaut ; ils ont des crises de tendresse, puis rentrent de nouveau en eux-mêmes, se sauvent d’autrui, se réfugient dans le cercle étroit de leur propre souffrance. Ils ont peur, en plaignant autrui, d’en venir à cesser de se plaindre eux-mêmes : et pourtant le meilleur moyen de rétablir en soi l’équilibre, ce serait d’y faire une part à autrui. La guérison des déséquilibrés serait d’apprendre à avoir pitié, — une pitié continue et active. Si un haut degré d’intelligence peut se rencontrer avec une tendance à la folie ou au crime, jamais cette tendance, disent la plupart des criminalistes, ne s’accorde avec le « sentiment affectif normal ».

Nous allons retrouver les traits généraux de la littérature des détraqués dans ces httératures de décadence qui semblent avoir pris pour modèles et pour maîtres les fous ou les délinquants.