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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

Si quelque Veuillot eût voulu faire la satire du matérialisme et de l’athéisme, et, pour cela, en faire la parodie, il n’eût

    nous allons voir comment l’apôtre du matérialisme, lui, va traiter étoiles et comètes :


    Aux cavernes les plus obscures,
    Une torche en main j’entrerai,
    Et je forcerai les serrures
    Du mystère le mieux muré.

    Parti sur mon bateau de toiles (?)
    Pour le pays de l’inconnu,
    Je veux que les vierges étoiles
    Viennent me montrer leur sein nu.

    J’ouvrirai toutes les alcôves.
    Je mêlerai mes noirs cheveux
    Aux crins d’or des comètes fauves,
    En disant : — C’est moi, je te veux. —

    Si quelqu’une fait la farouche
    Et résiste à mon rut puissant,
    Je baiserai si fort sa bouche
    Qu’elle aura les lèvres en sang.

    Je poserai ma main hardie
    Sur les grands soleils étonnés.
    Et j’éteindrai leur incendie
    Splendide en leur crachant au nez.


    Quelques pages plus loin, le poète nous donne, sans s’en douter, ce qu’on pourrait appeler une démonstration ex bacillo de l’existence de Dieu :


    S’il dédaigne mon injure.
    Pour être certain qu’il est,
    Je ferai sur sa figure
    Tomber un large soufflet.

    Sous cette âpre rhétorique,
    Si ses yeux restent sereins,
    Alors je ferai ma trique
    Discuter avec ses reins.

    Ainsi que sur une enclume
    Je frapperai, jusqu’à tant
    Que la peau du dos lui fume
    Et soit un torchon flottant.

    Jusqu’à tant qu’il disparaisse
    Comme un grain dans un gésier,
    Comme une larme de graisse
    Dans la gueule d’un brasier.

    S’il ne peut pas disparaître,
    S’il existe et s’il a tort,
    Il me prouvera son être
    En m’écrasant tout d’abord.

    Dans les anciennes troupes de comédiens ambulants (relisez le Capitaine Fracasse), il y avait toujours, à côté de l’amoureux, de l’amoureuse, de la coquette et du jaloux, un matamore, qui avait pour métier de vanter sa force et de brandir sa rapière, en l’absence de tout danger. M. Richepin, lui, brandit son vers comme une « trique » :


    Nous te mettrons un jour, Nature, toute nue,
    Nous te déchirerons ta chemise et tes bas
    Pour voir ce que tu vaux du haut jusques en bas…
    … Et l’on verra ce qu’il faut croire