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l’art au point de vue sociologique.

Aux alentours, si quelque fleur embaume,
           S’en embaumer ;
Si quelque fruit, où les abeilles goûtent,
           Tente, y goûter ;
Si quelque oiseau, dans les bois qui l’écoutent,
           Chante, écouter…
Entendre au pied du saule où l’eau murmure
           L’enu murmurer ;
Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,
           Le temps durer ;
Mais n’apportant de passion profonde
           Qu’à s’adorer.
Sans nul souci des querelles du monde,
           Les ignorer ;
Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse.
           Sans se lasser.
Sentir l’amour, devant tout ce qui passe,
           Ne point passer [1] !


Quant à lui, dès cette vie, il veut réaliser son rêve : il fera du passé un éternel présent par la force du souvenir, et il se déclare prêt à dire à la bien-aimée dont les cheveux auraient blanchi, dont les yeux se seraient ternis sous les années :


Je vous chéris toujours .....
.................
Je viens vous rapporter votre jeunesse blonde.
Tout l’or de vos cheveux est resté dans mon cœur.
Et voici vos quinze ans dans la trace profonde
De mon premier amour patient, et vainqueur !


Comme tout ce qui vient de l’âme, la poésie des Stances et des Vaines tendresses est un peu triste, très douce, toute de nuances, et pour ainsi dire voilée à la façon d’un paysage les jours de brume : — brume légère, il est vrai, où l’on voit filtrer partout la lumière des grands cieux clairs. Nulle part le

  1. Au bord de l’eau. — Voyez encore Ici-bas.

    Ici-bas tous les lilas meurent,
    Tous les chants des oiseaux sont courts ;
    Je rêve aux élus qui demeurent
    Toujours…

    Ici-bas les lèvres effleurent
    Sans rien laisser de leur velours ;
    Je rêve aux baisers qui demeurent
    Toujours…

    Ici-bas tous les hommes i>leurent
    Leurs amitiés ou leurs amours ;
    Je rêve aux couples qui demeurent
    Toujours…